lundi 22 novembre 2021

22 novembre 2021 : L'églantier fleurit-il toujours et partout ? vélo, Guadeloupe et migrants

 

Un cœur au cœur n’est pas rivé.

Tu peux partir, va-t-en.

(Anna Akhmatova, L’églantier fleurit et autres poèmes, trad. Marion Graf et José-Flore Tappy, La Dogana, 2010)


Sans connaître Anna Akhmatova, j’ai toujours eu conscience qu’en amour, "un cœur au cœur n’est pas rivé", et je regrette maintenant d’avoir fait souffrir quelques amoureuses du temps de ma jeunesse, en rompant brutalement. Au contraire de l’amitié, qui est pour moi la quintessence de l’amour (j’ai toujours pensé qu’un amour durable est celui qui sait se transformer en amitié), j’ai souffert par contre de voir des amis (assez peu, heureusement) me délaisser, voire couper les ponts brusquement, sans que je m’y attende, parfois tout simplement par suite d’une phrase maladroite de ma part...

Mais ce n’est pas de cela que je veux parler aujourd’hui. Je viens de voir au cinéma trois documentaires qui m’ont bien fait plaisir.

Je passe rapidement sur Together we cycle. Le nouveau film du duo néerlandais Gertjan Hulster et Arne Gielen (après Why we cycle en 2019) nous explique comment les Néerlandais ont transformé leur pays en une cinquantaine d’années : ils ont imposé la culture du vélo, devenu un choix évident pour tout le monde. Car jusque dans les années 1970, le vélo était vu comme dépassé, l’avenir était au tout voiture. Mais les statistiques faisant état de mortalité infantile importante de gosses allant à l’école (par collision avec des autos), quelques villes ont fait un essai (comme Delft…), en imposant une place primordiale à la circulation à vélo. L’expérience ayant réussi, les grandes villes s’y sont mises à leur tour et au lieu d’adapter la ville à la voiture, on a adapté la ville aux êtres humains ! L’espace urbain, le code de la route, ont été remaniés ; des rues entièrement cyclables et séparées des voitures ont été mises en place, et le vélo a fait un retour triomphant dans les esprits, dans les corps et dans l’espace public. Il faut dire que la pression citoyenne a été forte et aujourd’hui tout le pays est devenu le royaume du vélo de deux à cent ans.

Presqu’en même temps, j’ai vu Le pays à l’envers, un remarquable documentaire sur la Guadeloupe où Sylviane Dampierre, la réalisatrice, revient au pays sur les traces de son grand-père, qui, lui, n’avait jamais quitté l’île. Dans un voyage initiatique, l’histoire coloniale ressurgit soudain : le nom qu’elle porte est celui de l’habitation où vivaient ses ancêtres esclaves. Car, en 1848, les esclaves enfin libres reçurent un nom arbitrairement imposé par l’état-civil. Au fur et à mesure de son enquête, elle se rend compte que les jardins créoles, la musique, les corps même, témoignent des résonances de l’histoire collective et d’un passé douloureux. Un documentaire qui éclaire les problèmes locaux actuels ; comme d’habitude, la réponse de l’état français, c’est davantage de police et de répression !!! Le film m’a bouleversé.

Et peu après, il y eut Demain est si loin, de Muriel Cravatte, un documentaire consacré aux migrants qui arrivant d’Italie, tentent de rejoindre la France du côté de Briançon, à pied, sur des chemins dangereux, traqués par la police, et finalement, quand ils réussissent, accueillis dans le Refuge Solidaire, que de courageux Français bénévoles ont créé et continuent à gérer, en dépit du harcèlement policier et de la justice. La réalisatrice qui y a travaillé comme bénévole a voulu témoigner et raconter "de quelle façon, par la défaillance de l’État, une organisation parallèle – magnifique et fragile – s’est mise en place du côté des solidaires". On se sent ragaillardi, de voir qu’on n’est pas tout seul à vouloir aider des migrants, et tant pis si c’est interdit (à la frontière italienne comme à Calais), ça nous donne une haute idée de l’humanité et on se dit qu’il ne faut pas désespérer. Car aider des personnes migrantes à se reconstruire après leur parcours de migration si difficile et souvent meurtrier, ça vaut bien la peine de vivre, non ?

 

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