lundi 15 juillet 2019

15 juillet 2019 : variations


C’est peut-être pour cela que j’aimais tant le théâtre : parce qu’il me permettait d’exprimer toutes sortes de sentiments avec les mots des autres, en gardant les siens enfermés dans son cœur.
(Nathalie Rheims, Place Colette, L. Scheer, 2015)


Comme ça va mieux, j’ai presque repris toutes mes activités ordinaires : lecture, écriture, cinéma (au ralenti toutefois pour ce dernier), cuisine (un peu) et amitié, et même vélo. Mathieu est venu de Lyon me voir ce week-end. Je me prépare mentalement à mes prochains gros déplacements : à la mi-août, Brocas, dans les Landes, pour la grande réunion annuelle de la "tribu Brèthes", suivie par un séjour de cinq jours dans l’île de Groix qui précédera de peu mon départ pour la Mostra de Venise, d’où je rentrerai le 8 septembre au soir.


Parmi les lectures que j’ai faites en début juillet, un nouveau Petros Markaris, auteur grec de polars à coloration politique et sociale : Offshore (Seuil, 2018), qui en dit long aussi sur notre société dont la Grèce actuelle est un reflet assez troublant ; l’excellent roman posthume inachevé d’Erich Maria Remarque, Cette terre promise (Stock, 2017, roman sur lequel je reviendrai) qui explore avec acuité la difficulté d’être émigré, ici le cas des Allemands antinazis réfugiés aux USA pendant la dernière guerre mondiale ; le délicieux petit recueil de notes de ses voyages ferroviaires du poète belge Werner Lambersy, Vu du train (À l’index, 2019) où j’ai relevé cette appréciation savoureuse : "Londres, la plus belle ville du monde quand on a beaucoup d’argent, ou quand on est londonien" ; le très beau récit du Belge Pierre Mertens sur la naissance et la courte vie de sa fille atteinte du spina bifida, Les mots : pour la naissance et la mort de ma fille (L’Harmattan, 2004).


Une place à part pour le récit Place Colette, apparemment autobiographique, de Nathalie Rheims, fille de l’académicien Maurice Rheims, sur son adolescence difficile, son désir de faire du théâtre et son amour pour un sociétaire de la Comédie française, de trente ans plus âgé qu’elle. Pour le protestant assez puritain que je suis resté, cette passion d’une nymphette de douze/treize ans pour un homme qui pourrait être son père m’a évidemment impressionné. Ça se passe au début des années 70, à l’époque de la grande révolution des mœurs et dans un milieu très huppé. Tout pour me déplaire, a priori. Et cependant, ça m’a scotché. Ce petit bout de fille (le comédien l’appelle d’ailleurs "petite fille"), qui a envie de découvrir les secrets des grands et la sexualité, qui court après son "homme", découvre le moyen d’aller dans sa loge après le spectacle et qui fait les premiers pas, ça ne s'invente pas. On pense à Lolita de Nabokov, que je n’ai pas encore lu mais connais par le film de Kubrick. J’ai pensé aussi à notre grande écrivaine nationale, Colette, à ses Claudine et à son Blé en herbe. Bref, ça m’a paru une réussite d’écriture. Avec en plus une description assez féroce d’un certain milieu parisien, d’une certaine élite bourgeoise : on pense aussi à Proust et aux Verdurin dans Un amour de Swann.


Enfin, Mathieu était arrivé, portant dans sa besace un dvd que son amie L. lui a prêtée : Le couple-témoin, de William Klein (1977), nous l'avons regardé. Je donne le synopsis de wikipedia : "Dans la France des années 70, au milieu d'une ville nouvelle en chantier, Claudine et Jean-Michel [respectivement Anémone et André Dussolier], un jeune couple de Français moyens est amené à vivre une expérience organisée par le Ministère de l'Avenir [Georges Descrières joue le ministre]. Expérience filmée dans l'appartement de demain, censée déterminer les mœurs et les attentes du couple pour l’an 2000". C’est à la fois une satire implacable de l’époque et du modernisme outrancier (qui n’a fait que s’amplifier de nos jours avec la connectivité), dans la lignée du Tati de Mon oncle et de Playtime, une comédie science-fictionnesque (là, on pense à 1984, le couple étant constamment observé) assez désopilante et un pamphlet contre les politiques actuelles déshumanisantes. C’est incroyable comme presque tous les propos débités par le ministre dans le film ressemblent à toutes les phrases creuses de nos présidents récents de la République : on croyait entendre Macron ! J’ai adoré ! Merci, Mathieu. Bien évdiemment, je ne l’avais pas vu à l’époque de sa sortie, car Auch, où je travaillais, n’avait pas encore de cinéma d’art et d’essai., seul type de salle capable de projeter ce genre de film.

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