dimanche 8 avril 2018

8 avril 2018 : jour de colère


Je sens un feu se soulever
(Jean-Philippe Salabreuil, La liberté des feuilles, La Différence,1990)

Je suis un résistant : sans doute est-ce dû à mon éducation de "protestant".

Aussi, en ce moment, je suis un Palestinien de Gaza. Je manifeste pacifiquement le long de la frontière hérissée de barbelés et de murs que je ne peux franchir, puisque je suis dans une gigantesque prison peuplée de plus de deux millions de mes concitoyens. Et voilà que de l’autre côté, l’armée (la plus forte du monde, si on la rapporte au nombre d’habitants et à la superficie du pays) nous tire dessus (avec des balles qui explosent à l’intérieur du corps et y font des dégâts terribles), aux ordres de dirigeants qui ne supportent même pas qu’on puisse manifester, protester contre ce blocus infâme qui nous prive de soins, d’électricité, d’eau, de sortie, de tout en fait, en attendant de nous bombarder en toute impunité, puisque les grandes puissances et l’ONU n’émettent aucune objection, et qu'on parle d'eux comme de "démocrates". Et qu’on ne vienne pas me parler d’affrontements comme l’insinuent la grande presse et les journaux télévisés en continu : il n’y a pas d’égalité entre des manifestants qui protestent et sont prisonniers de fait, et une armée suréquipée qui persécute et qui tue. Si je pouvais, j’irais manifester là-bas...

la cagnotte pour les cheminots : 
https://www.leetchi.com/fr/Cagnotte/31978353/a8a95db7

Je suis aussi un cheminot qui proteste et lutte pour sa survie dans le monde néo-libéral qui voudrait nous faire croire que la privatisation résoudra tous les problèmes. Heureusement, nous sommes nombreux à entrer en résistance. C’est qu’il s’agit, comme pour mon homologue palestinien, de ne plus accepter d’être prisonnier : cette fois, de projets gouvernementaux qui s’attaquent aux biens communs et aux services publics. On a vu ce que ça a donné avec la poste, en déshérence et qui me fait pitié chaque fois que j'entre dans un bureau de poste, avec les autoroutes, dont les profits, au lieu d’être mis au service de la communauté, sont distribués à d’avides actionnaires qui n’en ont jamais assez. Heureusement, je peux participer aux manifestations des cheminots ; sans doute ça ne servira pas à grand-chose, tant le pouvoir, avec tous les mass-média à sa solde, arrive à projeter un regard négatif sur notre action (ah ! l'emploi du mot "otage" à tout venant pour discréditer nos actes ! ou celui de "privilégié" ! galvauder le vocabulaire n'est jamais bon signe), mais au moins, ça me fait plaisir et ça me rajeunit de cinquante ans. Et je les aide, moi qui roule 16000 km par an en train !


Et je suis aussi un zadiste de Notre-Dame des Landes ou de Bure, menacé d’être expulsé, alors que nous menons un combat pour la dignité, la solidarité, le futur, contre les menaces d’agriculture intensive ou d’enfouissement de déchets, tous ces projets que nos énarques et technocrates de tout poil imposent par la force, pour la grande joie des multinationales : désertification des campagnes, déforestation, expulsions pour créer des zones dangereuses (comme à Bure, où les déchets seront une menace pour des milliers d’années). Les Crétois se sont battus pour éliminer un projet démentiel de milliers d’éoliennes qui auraient entraîné un énorme exode rural, ils se battent actuellement contre un projet monstrueux d’aéroport géant (comme celui de Notre-Dame des Landes), et nous devons les soutenir. ZAD signifie Zone à Défendre : oui, il s'agit bien de nous mettre en défense contre des projets inconsidérés. Et aussi contre la guerre civile qu'on est en train de mener contre la population. Ce qui rappelle nos héroïques militaires qui ont vaincu la Commune de Paris avec une sauvagerie inouïe, pour se venger de la pilée que leur avaient infligée les Prussiens. Sûr que contre des civils désarmés, c'est plus facile...

à lire sur le site  Reporterre
https://reporterre.net/L-intervention-militaire-se-poursuit-sur-la-Zad-de-Notre-Dame-des-Landes
https://reporterre.net/La-Zad-et-la-guerre-civile-mondiale
 
Et assez des promesses des sociétés commerciales (qui annoncent faussement des milliers d'emplois à créer et arrosent nos élus pour s'implanter), de la propagande d’état, de la voix de son maître (paradant sur TF1 plutôt que sur les chaînes publiques, c’est significatif)... Battons-nous pour garder encore les quelques conquis sociaux (éducation pour tous, sécurité sociale, retraites, en particulier) qui nous restent et pour en conquérir d’autres. Sinon, dans peu de temps, nous aurons les fascistes au pouvoir ou bien nous serons écrasés par les puissances d’argent qui lamineront le pouvoir d’achat, comme elles ont fait en Grèce tout récemment.

C’est mon jour de colère.

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