mercredi 9 mars 2016

9 mars 2016 : Côte d'Ivoire : 22-23 février : Abidjan encore


La richesse, frères croyants, ne se mesure pas aux choses qu'on possède mais à celles dont on sait se passer.
(Amin Maalouf, Léon l'Africain, Lattès, 1986)


21 dévrier : Petit déjeuner en solo. Je lave mon linge à la main et l'étends sur la balcon. Je sors faire des courses à la supérette, achète Fraternité-Matin, journal dont Venance Konan est rédacteur en chef et signe l'éditorial. Ce qui me donne une idée des quotidiens ivoiriens, de leur teneur et de leur prix : environ 50 centimes d'euro, ce qui est cher pour un pays où le smic est à 100 €. On y parle d'une mutinerie à la prison, plusieurs morts dont le caïd : Yacou le Chinois.
Puis je veux aller ressortir : panne d'électricité, obligé de descendre du huitième étage par les escaliers, dans le noir le plus absolu ! Inutile de dire que je fais ça au ralenti, tâtant chaque marche avant de poser mon pied. Les joies du sous-développement, pas de lumière veilleuse.
Au cybercafé, j'envoie un mail collectif, enregistre le n° de tél. de Samir, mon voisin d'avion qui me l'a adressé un mail, puis m'installe au café. À la table voisine, trois Ivoiriens. On cause, ils habitent en France, sont en vacances ici. Ils me demandent ce que je pense de la Côte d'Ivoire ; eux pensent que le pays doit acquérir des transferts de technologie pour pouvoir se développer, sinon, les matières premières seront toujours transformées à l'extérieur. Bien que vivant tous trois en France depuis longtemps, seul un d'entre eux a acquis la nationalité française. D'abord parce que c'est un parcours du combattant. Et pour les deux autres, c'est surtout qu'ils trouvent les Français peu disposés à les accueillir vraiment. "À quoi sert une carte d'identité si on ne nous considère pas comme de vrais Français ?", me disent-ils. Mais ils respectent la décision du troisième, dont les enfants, nés en France, sont français. Quand je veux payer ma bière, 800 Francs CFA, je m'aperçois que je n'ai en monnaie que 600, et ensuite des billets de 10000. Je dis à la patronne, qui n'a pas la monnaie, que je vais tenter de la faire à la boulangerie à côté. Impossible, il faudrait que j'achète plusieurs pains et gâteaux ! Je reviens, les Ivoiriens me disent : « Pas de problèmes, on va compléter les 200 manquants ». Sympa, non ?
La panne d'électricité continue, les feux rouges ne fonctionnent pas, et la circulation devient anarchique et klaxonnante aux carrefours. En revenant, je passe devant un petit restaurant local (maquis en dur) sur le boulevard. Quand je vois les prix (plat principal à 2000 Francs CFA, soit 3 €), j'entre et m'installe. Je suis seul à table, je commande un poisson avec attiéké (pour changer). À la table voisine s'installe un type en costard-cravate, je lui adresse la parole, on sympathise, il vient s'installer à ma table. C'est un avocat d'affaires, prénom Wakiémé, petite quarantaine. Il prend ses repas de midi ici. Quand je commande un café, le serveur me dit qu'à cause de la panne d'électricité, qui perdure, la machine à café ne fonctionne pas. Wakiémé me dit : "Pas de problème, je vous emmène au cabinet, j'ai une machine dans mon bureau !"
Et nous voilà partis en voiture. Il m'emmène d'abord au Plateau, à la Cour Suprême, où il récupère un dossier important. Puis nous traversons le pont Charles de Gaulle pour arriver à Treichville, continuons jusqu'à Marcory, un des quartiers "occidentaux" avec une importante communauté française et de nombreux Libanais. Nous nous arrêtons à la caserne des CRS, où il dépose son dossier. Puis il me refait parcourir en sens inverse Treichville, le pont, le Plateau et nous arrivons au quartier dit des Deux-Plateaux, où se situe son cabinet, proche du Boulevard Latrille.
Le cabinet est un bâtiment tout neuf, en excellent état, ils sont six avocats, trois secrétaires et des assistants assez nombreux. Wakiémé m'offre le café, avoue qu'il n'a encore jamais mis les pieds en France, il parle pourtant un français impeccable, puis me raccompagne à pied jusqu'au boulevard.
le Boulevard Latrille
Et je rentre à pied sous un cagnard intense. Le temps est toujours le même, brumeux et lourd le matin, plus ensoleillé et légèrement venteux l'après-midi, mais toujours très chaud. Je découvre que le Boulevard Latrille est très long, puisqu'il me faut parcourir environ 2,5 km vers le sud pour retrouver la Tour Panoramique, où logent Pierryl et Lucile. Douche immédiate. Il est 16 h, je prépare les fruits et le sucre pour la confiture que je ferai cuire demain matin, puis les légumes pour le repas du soir, que je mets à mijoter. Je me rhabille. Je donne un coup de fil à Samir. Il est à son cantonnement, aurait bien pris un café avec moi, mais ça ne sera pas possible. On restera en contact.
Pierryl rentre. Il pense qu'on a le temps, avant le retour de Lucile, de faire une partie de scrabble avec le jeu que je leur ai apporté. Il fait deux scrabbles et m'écrabouille en marquant plus de 400 points ! Lucile arrive, nous mangeons rapidement, car il est prévu d'aller au cinéma. Au cours du repas, Mohammed arrive, portant les vêtements, que j'essaie. Pas de retouches à faire. Je le paye : 15000 Francs CFA.
mon "costume"
Soirée cinéma dans un des deux cinémas commerciaux, situé dans un grand centre commercial de Marcory. Superbe salle. Prix prohibitifs pour le pays (environ 8 € la séance), et film en v.o. sous-titrée, ce qui explique le faible nombre de spectateurs. Pourtant le film sort en même temps qu'en France : il s'agit d'Ave César, le film des frères Coen. Film curieux, qu'on regarde sans déplaisir, pourtant un peu poussif à mon avis, ils m'avaient habitué à mieux.


22 février : Bonne nuit, chaude comme d'habitude... Après le petit déjeuner, je fais cuire la confiture : le mélange mangue/ananas/papaye sera excellent, je crois.
Puis je pars récupérer mes nu-pieds chez le cordonnier. Ensuite je fais un tour pour me rafraîchir au café (je comprends que les Occidentaux prennent du bide à force de boire des bières, dans ce pays), je regarde les titres des journaux : toujours le caïd "Chinois" (parfaitement ivoirien) qui fait la une. Je suis rentré manger à domicile. Sieste. Il fait très chaud, j'avais plus ou moins prévu d'aller dans l'aprèm prendre le bateau-bus pour aller jusqu'au terminus et retour pour faire toute la lagune, mais j'abandonne. Lecture. Je me décide à refaire de la pâte à crêpes, afin d'achever le lait entamé qui ne se conserverait pas, et aussi par gourmandise.
Nous finissons donc la journée par une soirée crêpes, on goûte la confiture, puis partie de scrabble à trois. Lucile marque son premier scrabble et gagne sans difficulté la partie ! Coucher tôt, car départ demain pour l'intérieur du pays !


À suivre...

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