Il
n'existe pas de misère digne, de pauvreté hautaine, quoiqu'en
disent les imbéciles qui ne s'y sont jamais frottés. Mais, à force
d'habitude, on s'accoutume. On se défend avec les armes du bord,
qu'aiguise la nécessité.
(Thierry
Jonquet, Le
pauvre nouveau est arrivé !,
Méréal, 1997)
Je
reviens de Montpellier, où j'ai pu découvrir la "très
grande pauvreté",
comme dit aujourd'hui en politiquement correct :
personnellement, je dirais
la misère, ma grand-mère aurait dit
la
mouise, mot un
peu oublié, mais
qui me paraît le plus correct quand on dort dans la rue et qu'on
crève à ciel ouvert. Chacun sait qu'il n'existe plus d'aveugles
(devenus malvoyants), ni de sourds (malentendants), ni de vieux
(seniors), ni d'handicapés (personnes à mobilité réduite), ni de
prisonniers (citoyens détenus), etc. Boileau ne pourrait plus
appeler "un
chat un chat, et Rollet un fripon"
aujourd'hui. Passons. En tout cas, le nombre de SDF, de mendiants, de
gens dans la mouise, dans la misère noire, aperçus aux alentours de
la Place de la Comédie à Montpellier, était effrayant : une
vraie "Cour
des Miracles" ;
et pourtant, nous n'avons pas encore, comme la Grèce, été mis à
genoux par la fameuse "troïka"
(là encore une appellation politiquement correcte, pour désigner
les terroristes et magouilleurs financiers issus du traité de
Lisbonne que nous avions pourtant rejeté, preuve que voter ne sert à
rien) ! Que sera-ce quand chez nous aussi, le système craquera
de partout, quand
notre
sécu, nos
retraites, nos
salaires, notre
épargne, seront
sabrés, pour permettre aux agioteurs et mafieux qui nous gouvernent
(économiquement parlant) de s'enrichir encore davantage ?
Bref,
je suis revenu, après avoir assisté à la soutenance de thèse de
médecine de mon neveu Hugo. Ça portait sur les anticoagulants. Si
j'ai bien compris, ça sauve des vies, mais nous servons tout de même
de cobayes : ça doit être comme dans l'armée, les labos qui
produisent ces médicaments doivent avoir droit à un pourcentage de
pertes. Ce n'est pas tragique, car les gens seraient morts de toute
façon. Et il faut bien essuyer les plâtres !

Au
cinéma, vu deux films intéressants : Los
Hongos,
du colombien Oscar Ruiz Navia, raconte l'odyssée de deux adolescents, Ras le black et Calvin le
blanc, passionnés de street art et qui essayent ainsi de se
réapproprier leur vie en couvrant certains espaces encore vierges de
leurs fresques murales et de grafs. En particulier, ils s'inspirent
des vidéos des révolutions arabes pour exprimer leur colère. Ras
vit avec sa mère qui essaie de l'embrigader dans la bigoterie bien
pensante, Calvin avec sa grand-mère bien-aimée, très âgée, qui, elle,
défie le cancer qui la ronge. Ce personnage de grand-mère irradie,
tant elle déborde d'humour et d'amour pour se battre contre la mouise. Pour une fois, un film
colombien qui ne traite pas du trafic de drogue. Mais de simple
humanité : c'est magnifique !

Quant
à Une
femme iranienne,
d'une femme réalisatrice (Negar Azarbayjani), c'est aussi un films
somptueux et d'une rare humanité. Rana, mariée et mère d'un petit
garçon, conduit clandestinement un taxi, en plus de son travail dans
un atelier de couture. Son mari est en prison (son associé s'est
enfui avec la caisse), et Rana se bat pour payer les dettes afin
qu'il puisse sortir plus tôt de prison. La vie n'est pas facile, surtout pour
une femme seule, très surveillée. Le jour où elle prend dans son taxi
Edi, jeune adolescente qui semble poursuivie (on veut la marier de force), Rana ne sait pas
dans quel engrenage elle met le pied. Je n'en dirai pas plus, car
c'est construit comme un thriller haletant, avec heurt des classes
sociales (Rana, venue du peuple, Edi, d'une famille très riche),
apprivoisement lent des deux femmes, chacune victime de son côté du
machisme ambiant. Là aussi, c'est l'amour qui vient à bout de la misère mentale et sociale. À voir de toute urgence. Passionnant, palpitant,
humain...

Un
mot pour dire que pour la première fois j'ai aimé un film de
Philippe Garrel. Je n'avais pas envie de le voir, mais y avait rien
d'autre à l'heure voulue. L'ombre
des femmes
est superbe d'intensité : il parle d'amour avec une grande
vérité, est filmé dans un noir et blanc magnifique. L'acteur
et les deux actrices sont excellents. Une bonne surprise !
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