vendredi 1 juillet 2011

1er juillet 2011 : Vive le vide !


Vous allez demander : et où sont les lilas ?

(Pablo Neruda, L’Espagne au cœur)




Voilà, ils ont réussi : je me demandais hier ce que faisait cette cohorte d'ouvriers qui tentaient de soulever, avec des engins spéciaux, les énormes bacs à fleurs et les bancs en béton qui ornaient l'esplanade devant ma tour. Forcément, je les ai interrogés : — Qu'est-ce que vous faites là ?

Réponse : — Nous répondons à la demande du comité de quartier ; ils paraît qu'il y a toute une faune qui traîne et s'installe là le soir ; ça gêne, ça fait du bruit, ça laisse traîner des déchets...

Déjà, ils avaient tondu à ras la haie de lauriers qui longeait la balustrade. Maintenant, on enlève les plantes, les fleurs, on empêche les gens de s'asseoir dehors : peu à peu, la vie s'en va. Et voilà, ce matin, il n'y a plus rien. Certes, les quelques perturbateurs, que personnellement je n'ai jamais vus, alors pourtant qu'il m'arrive souvent de sortir le soir et de rentrer à la nuit, ne viendront plus, sauf à s'asseoir sur les marches qui mènent à la tour elle-même. Quand je pense que c'est là que je rangeais mon vélo pour la nuit, et qu'il m'est même arrivé d'oublier de l'accrocher avec l'anti-vol, et que cette faune, sans doute des hordes de barbares, auraient pu le faucher, le briser, le tordre, en faire une sculpture de César, je frémis rétrospectivement...

Je savais que j'habitais dans un bunker de vieux. Mais franchement, j'espère qu'un jour je ne deviendrai pas comme eux, qui ont réussi à faire le désert autour d'eux. Et je ne regrette donc pas de quitter ce lieu. On parle de mixité sociale, il faudrait peut-être parler aussi de mixité inter-générationnelle. Il n'y a rien de plus triste que de se retrouver entre vieux (voir le film Gianni et les femmes, très réussi), et je comprends les réticences de Georges Bonnet, malgré ses 92 ans, envers les maisons de retraite.

On veut du propre, du net, du sans bavures. Faut donc éliminer tout ce qui fait tâche, bruit, sueur, tout ce qui est vie finalement : Joy Sorman, dans Du bruit signale cependant que la "dignité des hommes [est] toujours évaluée au maillot mouillé, dans le rap et ailleurs : payer de sa personne, monter au front. Un homme qui ne transpire pas est suspect ; front sec, chemise impeccable, regard torve, pas franc du collier, celui-là. Le héros est en nage".

Va-t-il falloir mettre nos jeunes dans des camps retranchés, pour ne plus les voir, ne plus supporter leur tapage (le bruit de la circulation sur le boulevard m'a paru bien plus gênant que les rares palabres vespérales sur notre esplanade), alors que déjà on ne leur offre plus d'emplois, qu'on est en train de leur préparer une vie sans avenir ? J'écoutais attentivement les jeunes Grecs interrogés à la radio (France Culture) et je comprenais leur refus d'être pris pour des andouilles et leur révolte. Quand on pense que Christine Lagarde, nouvelle patronne du FMI (avec des émoluments de 300 000 dollars par an, logée et nourrie sans doute en plus, sans compter les multiples déplacements qu'elle ne paie pas), leur enjoint d'accepter de nouvelles réductions de salaire (encore faudrait-il qu'ils en aient un !) et de retraite, que ne commence-t-elle par diminuer son fastueux train de vie ? C'est effarant de voir tous ces gens qui nous gouvernent, qui vivent grassement, et qui trouvent qu'on peut vivre avec un RMI, un RSA, une allocation d'handicapé, qu'il ne faut pas tricher avec les allocations familiales, avec la sécu, etc., alors qu'ils sont les premiers à tricher, par exemple en boursicotant.

Et, bien sûr, "ils" ont trouvé la faille dans la victime de DSK, il fallait s'y attendre.

Il y a des jours comme ça où on est écœuré.

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