jeudi 7 octobre 2010

7 octobre 2010 : présentation de Georges Bonnet


Cette merveilleuse

et terrible nécessité d'écrire
(Georges Bonnet, Dans une autre saison)

 

Né en 1919, Georges Bonnet est fils de paysan, et la campagne saintongeaise de son enfance est largement source d'inspiration pour sa future œuvre en poésie comme en prose. Il entre au collège après le certificat d'études, et il est pensionnaire jusqu'à l'obtention du baccalauréat. Après des études de philosophie interrompues par la guerre, il se réoriente vers l'éducation physique. Sportif de très bon niveau, il est aussi un professeur de grande qualité, terminant sa carrière dans l'enseignement supérieur, et un éducateur sportif très dévoué dans le cadre associatif.
Et cependant il a, semble-t-il, et son prodigieux bureau-bibliothèque le démontre, eu toujours un faible, un penchant secret pour la littérature. Au vrai, il n'a jamais cessé de lire. Et c'est la quarantaine venue qu'il se hasarde à publier un recueil de poèmes, La Tête en ses jardins. Malgré les encouragements de Daniel Reynaud, l'expérience n'eut pas de lendemain, Georges Bonnet préférant, pendant une quinzaine d'années, consacrer son temps libre à une autre expression artistique, la peinture, pour laquelle il montre un talent certain. Mais, dit-il, « je n'étais pas un créateur ! » Alors qu'il sent bien que la littérature, l'écriture, les mots sont davantage son domaine.
La retraite venue, il s'investit dans la poésie à haute dose, au travers de l'aventure de Oracl, revue poétique poitevine de haute tenue, qu'il administre de 1982 à 1989, et au conseil de rédaction se trouvent des pointures poétiques comme Jean-Claude Valin, Jean Rousselot, Guy Valensol, James Sacré, Joseph Rouffanche, puis les plus jeunes Jean-Claude Martin et Denis Montebello.
Georges Bonnet sait ce qu'il doit à Valin, Valensol ou Reynaud, qui lui apprennent ce qu'est la poésie moderne, la découverte de Jean Follain par exemple. Et dès 1983, il publie un nouveau recueil, que suivront beaucoup d'autres.
C'est une poésie toute de retenue, qui tente d'accueillir, au travers du regard, du toucher, de l'écoute, les instants fragiles, changeants, mobiles, les détails de la nature, les signes dans le ciel, le temps qui passe, les objets et les choses, souvent filtrés par la mémoire. Aussi on trouve dans son œuvre poétique, avec la simplicité et la légèreté du familier, des notations sur la vie quotidienne ravivées par la nudité de la mémoire, qu'il s'agisse de souvenirs d'enfance, de l'évocation de la campagne, du père, de la mère, de l'oncle, des outils, des champs, des arbres, des pierres même. Des poèmes concis, dépouillés, qui vont droit à l'essentiel, avec une sorte de grâce jubilatoire dans la retenue : À bien regarder, tout devient évidence, peut-il ainsi chanter. Oui, mais le poète, lui, sait regarder, saisir l'instant fugitif de la mémoire, tailler ses paroles à coups de gestes, user de mots un peu rouillés , se laisser prendre par l'encerclement du silence. Et toujours voir juste.
Au tournant de sa quatre-vingtième année, ses poèmes se modifient, ressemblent à des petits tableaux en prose. C'est le moment où Georges Bonnet commence à les rassembler dans deux suites narratives, qui ne sont pas à proprement parler des romans, mais qui le font connaître au-delà du cercle étroit des amateurs de poésie. Un si bel été et Un bref moment de bonheur sont des récits simples, d'une magnifique économie de moyens et d'une maîtrise d'écriture sereine. L'auteur est désormais en pleine possession de son art, et tout ce qui sort de sa plume dans la décennie 2000, un roman roman cette fois, deux recueils de nouvelles, deux recueils de poèmes, est remarquable de dépouillement, comme s'il s'agissait d'aller à l'essentiel, dans la délicatesse des émotions saisies avec étonnement dans leur nudité. Dans la générosité aussi : Georges Bonnet fait mentir Gide et son « on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments ».
Les mots sont simples, élémentaires, mais précis (J'ai la parole peu dépensière) : ils égrènent la fugacité des moments, l'attention aux choses et aux êtres, à l'humanité souffrante. Et quand, à travers le feuillage des arbres, on voit le ciel bleu, c'est un coin de paradis qui s'offre à nous.

Chaque regard est un adieu, formidable recueil de nouvelles


Je voudrais terminer cette brève présentation en soulignant aussi les qualités humaines de Georges, sa disponibilité sans faille quand je venais l'embêter en lui racontant mes soucis, l'amitié précieuse qu'il me porte et dont je suis très fier, sa sensibilité, son goût pour le don de soi : Georges, si je devais te définir, je dirais que tu es quelqu'un qui se trouve toujours à hauteur d'homme.

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