dimanche 7 juin 2009

6 juin 2009 : Fête / faites du vélo


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La terre est bonne ; à mon oreille
reviens me le dire.
(Eugenio de Andrade, Les lieux du feu)

Que de fêtes n’a-t-on pas instituées ? À la fête des mères se sont ajoutées la fête des pères, puis celle des grands-mères… Nous avons connu Lire en fête (qui semble-t-il, n’aurait pas lieu cette année, mais aucune importance, pour moi, la fête du livre se fête tous les jours), la fête de la musique, la fête du cinéma (je m’en moque aussi, je vais au cinéma chaque fois que je peux, et quelquefois je ne peux justement pas à ce moment-là précis), la nuit des musées, les journées du patrimoine, la fête des jardins, la fête des voisins, la fête des amoureux, les fêtes religieuses (Noël, Pâques, les communions et baptêmes), les mariages (certains ne se marient-ils pas plusieurs fois pour savourer ce jour de fête ? Je me pose la question à voir la multiplicité des divorces suivis de remariage !), la Gay pride, la fête des écoles, la fête nationale (a-t-on déjà institué une fête pour l’Europe ? On vote, il serait temps d’y penser, mais s’il y a autant de battage médiatique pour ça que pour les élections ou les travaux du Parlement européen, on n’est pas près de le savoir !), les fêtes de quartier, les anniversaires, les fêtes de prénoms, et j’en passe… Me manque personnellement la fête des amis ou de l’amitié (ou de la fraternité) : là, je crois que je m’investirais volontiers si l’occasion se présentait.
En général, on institue une nouvelle fête pour pallier un manque. C’est vrai qu’on oublie nos "vieux" (d’où la fête des grands-mères), qu’on ne va, paraît-il, plus assez souvent au cinéma, qu’on ne fréquente pas volontiers les musées, qu’en France on n’est soi-disant pas amateur de musique ni musicien, qu’on ne se connaît pas entre voisins, que les homos sont obligés de vivre cachés, que plus personne ou presque ne lit, sauf des dinosaures comme moi (je ne suis pas sûr que la fête du livre sous ses diverses appellations ait fait beaucoup avancé sa cause, si j’en juge par la mévente et les retours de livres aux éditeurs, les tirages de plus en plus bas), qu’on ignore notre patrimoine, que les enfants des villes ne savent plus ce que c’est qu’un jardin…
Et aussi que la pratique du vélo, de façon quotidienne et usuelle, est très faible, comparée à ce qu’elle est aux Pays-Bas ou dans les pays scandinaves. Aussi, pourquoi pas une fête du vélo ? Vous me direz, pour toi, c’est tous les jours la fête. Ben oui, c’est comme pour la lecture, comme pour honorer ma mère – et autrefois ma grand-mère, comme pour aller au cinéma, pour visiter un musée ou un monument (si le cœur m’en dit), écouter de la musique (pas souvent en concert, je l’avoue), saluer les voisins quand je les vois, je n’ai pas besoin de fête. Je fais la fête comme Monsieur Jourdain faisait de la prose !
D’ailleurs, bien souvent, il y a derrière ces manifestations un aspect commercial qui me gêne. Mais après tout, pourquoi pas ? Si ça doit inciter les gens à mieux se rencontrer (les nombreuses fêtes conviviales), à mieux faire usage de leur corps (faites du vélo, nom d’une pipe ! et n’oubliez pas la marche à pied non plus et les découvertes de la nature que nous proposent ces deux types de randonnées, et pratiquez un ou deux sports pour le plaisir et l’épanouissement corporel – c’est plus sain que de rester assis pour assister à des compétitions devant la télévision, ou sur écran géant de cinéma comme une chaîne de multiplexes nous propose la Finale de Roland Garros) ou de leur esprit (lisez, allez au théâtre et au cinéma, au musée, visitez les lieux chargés d’histoire), les fêtes ont leur intérêt. Elles peuvent être un déclic. Et si, en plus, le commerce se porte mieux, que demande le peuple ?
Mais pratiquer l’une ou l’autre des activités précitées tous les jours, c’est encore mieux, car chaque jour fête. Le vieil ami ou le voisin isolé, à qui vous allez rendre visite régulièrement, vous dit : Tu es un rayon de soleil dans ma vie ! Le livre que vous lisez, la musique que vous écoutez, le film ou la pièce de théâtre que vous allez voir, le paysage ou le monument que vous découvrez en respirant l’air frais de la promenade, deviennent eux aussi des amis !
Eh bien voilà, dans la grisaille monotone de la quotidienneté, ajoutons le maximum de rayons de soleil. Rendons visite à un voisin, faisons les courses à bicyclette, ouvrons un livre, allons au cinéma, au théâtre, au musée ou au concert, cultivons notre jardin comme disait Candide (et qui n’a pas ne serait-ce qu’un jardin intérieur ?), écrivons ou téléphonons le plus souvent possible à notre vieille maman, et comme soudain la vie paraîtra plus ensoleillée, comme l’hiver passera bien, comme la pluie aura un aspect guilleret, comme l’inattendu pénétrera en nous, comme on se sentira mieux, peut-être meilleur aussi… Que de découvertes à faire, et comme Apollinaire, on aura vraiment la sensation de la vraie durée :
Passent les jours et passent les semaines
Et la fête tous les jours, c’est discerner sans aucun doute, ce qu’écrit le poète aussi :
Comme la vie est lente
Et comme l’espérance est violente
Donc, recherchez l’espérance, n’attendez pas un jour officiel de fête, faites la fête (mais la vraie) tous les jours, et en particulier, faites du vélo : attention, pas la course, la lenteur seule fait la fête !



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