il détestait cette guerre, entrevoyait des jours de ténèbres où triompheraient les pharisiens et les méchants, où les choses saintes seraient en dérision : non plus lumière au fond des cœurs, mais paroles de blasphème qui couvriraient en vérité l’orgueil, la cupidité, la luxure, la sauvagerie de la pire bête qui soit sous le ciel de Dieu : l’homme qui a renié son âme.
(Maurice Genevoix, La motte rouge, Seuil, 1979)
Le temps passe, et peu à peu Israël raye Gaza de la carte, avec son lot de bombardements, de famine organisée, de cruauté assumée, de crimes de guerre, et la volonté délibérée d'éliminer tout un peuple, tout cela sous l’œil bienveillant de hommes politiques de l'Occident, dont le nôtre. Seul le peuple proteste, en France, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre, en Australie, etc., mais cela n'arrête pas la machine de guerre et son commerce, ni l'économie de guerre qui se met en place un peu partout.
Quant à la malheureuse Cisjordanie, elle est en train d'être dépecée (implantation de colonies), spoliée (vols de terres et de bétail, démolitions de maisons, arrachages d'oliviers, etc.), violentée (arrestations arbitraires, assassinats, enlèvements...), par la colonisation aidée de la soldatesque et d'un gouvernement ouvertement colonialiste. Ah ! on peut dire que Hitler a gagné la guerre, puisque presque toutes les guerres, depuis 1945, se développent sur le modèle nazi; avec l'appui éhonté de la technologie et de la science modernes.
Et comme me l'ont dit quelques personnes lors de la distribution de tracts à laquelle j'ai participé samedi dernier 23 août, "à quoi peuvent bien servir vos manifestations, vos tracts, vos protestations, vous n'arrivez même pas à faire bouger la ligne de nos gouvernants, et encore moins celle d'Israël, qui s'apprête à conquérir de nouveaux territoires, tout en malmenant les pays voisins..." Eh oui, à quoi ? Devons-nous rester muets, ne rien dire, accepter la fascisation du monde qui vient, accepter d'être accusés de "faire l'apologie du terrorisme", alors que c'est le contraire : nous condamnons Israël, qui se comporte en état terroriste.
"Voilà ce que c’est […] la guerre ! la barbarie civilisée… le brigandage légal…", écrivait Grigory Danilevski dans Moscou en flammes (Bibliothèque russe et slave, ebook), magnifique roman russe de la fin du XIXème siècle qui raconte la fameuse campagne de Russie de Napoléon Ier en 1812 et la formidable résistance du peuple russe. Je dois dire que j'admire énormément l'héroïque peuple palestinien, qui tient le coup depuis plus de 77 ans sous la botte d'un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur (Charles de Gaulle, discours 1967).
Et j'étais désappointé samedi devant la passivité de la plupart des passants qui, munis de smartphones, se gobergeant de glaces ou de pâtisseries, se contrefoutaient de la Palestine, détournaient le regard, comme si j'étais transparent. J'étais découragé d'y être allé, surtout sans mon t-shirt Free Palestine, ma casquette Palestine et mon petit drapeau palestinien. Je découvrais "la douce et souveraine mélancolie que donne la réalité vue de face", dont parle Michel Serres, dans les Nouvelles du monde (Flammarion, 1997), le livre que je suis en train de lire.