jeudi 27 février 2025

27 février 2025 : le vélo

 

 

le bonheur que j’avais vécu sur la route, félicité acquise au fil des rencontres mais aussi au cours de moments passés seul.

(Julien Leblay, Le tao du vélo, petites méditations cyclopédiques, Transboréal, 2016)

 

                Comme d'habitude, je trouve des perles dans les boîtes à livres, autant qu'en bibliothèque, et plus facilement, car il n'y a que très peu de livres, et le choix est vite fait : ou bien aucun ne m'intéresse, ou j'en trouve un, parfois deux. J'ai donc récemment découvert Le tao du vélo, que je me suis empressé de lire. L'auteur, qui se définit comme un cyclo-voyageur ou un cyclo-nomade nous livre dans ce petit bouquin les réflexions tirées de ses nombreux voyages à vélo dans le monde entier.

            Je suis loin d'en avoir effectué autant que lui. Et je suis peu sorti de France. Je n'ai d'ailleurs fait que quelques grandes randonnées, de 500 km (en général une semaine) à près de 1600 (trois semaines)... Je suis donc loin d'être un voyageur au long cours, comme certains fans du vélo que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans ma longue vie, et notamment lors de mes balades à vélo ou de l’hébergement gratuit auquel j'ai eu recours dans les années 2010 grâce au site warmshowers et qui m'a valu des rencontres mémorables, principalement avec des randonneurs étrangers venant de Pologne, des Pays-Bas, d’Écosse, de Catalogne, d'Espagne ou du Portugal.

            Je dois avouer que voyager à vélo est une manière de voyager plus agréable que d'aller en voiture. Seule peut lui être comparée la marche à pied, comme le dit Jean-Jacques Rousseau dans son fameux panégyrique de cette façon de voyager : "On part à son moment, on s'arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d'exercices qu'on veut. On observe tout le pays ; on se détourne à droite, à gauche ; on examine tout ce qui nous flatte; on s'arrête à tous les points de vue" (Les confessions). J'ai fait de longues randonnées seul, en couple (nos deux premières vacances d'été, à Claire et moi, en 1980 et 1981, furent de rallier la Provence à partir d'Auch et jusqu'en Provence, en passant par le sud du Massif central, avec des trajets différents d'une année à l'autre), et même en groupe (ma seule incursion à l'étranger, en Suisse, pour accomplir le Tour du lac Léman, avec un groupe de cyclo-bibliothécaires).

            A chaque fois, ce fut un enchantement. Là, une rivière plus ou moins vive, ici une forêt dont l'ombre nous rafraichissait; ailleurs la montagne et un col à gravir, le ciel bleu ou les nuages menaçants, la pluie et le vent, et les rencontres. C'est "n’avoir aucune contrainte, faire ce que bon vous semble, en parfaite harmonie avec son âme et son corps", comme dit Julien Leblay dans son Tao du vélo..On est gai, léger, primesautier, content de tout, de l'effort accompli, comme des pauses bienfaitrices et du repos bien gagné, des rencontres faites ici et là. Une des plus belle fut à Lourmarin, en frappant à une porte pour demander de l'eau destinées à nos gourdes vides, d'une vieille dame l Elle nous reçoit dans son intérieur ombreux et frais, nous offre le café. Nous papotons, nous discutons livres aussi, et elle nous révèle être la sœur de lait d'Henri Bosco, le fameux auteur provençal, dont le  roman L'enfant et la rivière est un de mes livres préférés. Nous étions ravis et Claire pensait, comme Julien, que "la meilleure rencontre que l’on puisse faire dans un [tel] voyage en couple, c’est celui ou celle qui nous accompagne". Effectivement, notre couple en a été consolidé, grâce aussi à la rencontre des autres.

            En outre, au contraire des voyages en voiture et, pire, en avion, le voyage à vélo coûte peu, car comme le souligne encore  Julien Leblay : "Avoir un budget serré est finalement un plaisir sain. Détaché de la société de consommation, le cyclo-voyageur n’en est plus que le spectateur, libre de vivre seulement avec ce dont il a besoin. N’est-ce pas là une des plus grandes libertés, le fait d’avoir assez pour subsister et trop peu pour gaspiller ?" Les repas, même grossiers, paraissent délicieux, le gîte, même sommaire aussi : nous avons même dormi, Claire et moi, à la belle étoile, sous une simple couverture survie, près du lac du Salagou, car, comme c'était la fête votive de Clermont-L'Hérault, tous les hôtels affichaient complet. Et nous y avons magnifiquement dormi. Notre auteur ne nous dit-il pas également que "La réduction du confort est le premier pas vers la liberté" ?



            Bref, presque octogénaire, j'aimerais bien encore faire une longue randonnée cycliste, avec des étapes bien moins longues, évidemment, que dans ma jeunesse. Mon âme de nomade se réjouit à cette seule pensée. Ce serait, comme mes nombreux voyages à Venise, une sorte de pèlerinage-souvenir sur les moments denses que notre couple a vécus ensemble.

          



 

lundi 24 février 2025

24 février 2025 : Fabienne Radi, poète du mois

 

Découvrir un livre, cela signifie s’affranchir des nécessités du quotidien, arracher sa propre vie à l’ici et maintenant et la replanter ailleurs le temps de la lecture.

(Thomas Montasser, Une année particulière, trad. Leila Pellissier, Presses de la Cité, 2016)

 

            C'est toujours un grand plaisir de découvrir des auteurs nouveaux, anciens ou récents.  Les bibliothèques publiques peuvent jouer un grand rôle dans cette découverte, comme le passage en librairie, les boîtes à livres, la famille et les amis, la radio ou les médias, la famille ou les amis. Je viens de découvrir Fabienne Radi, artiste suisse et aussi écrivain, dont le livre Notre besoin de culotte est impossible à rassasier, emprunté à la médiathèque de Bordeaux, m'a touché. Le titre est un pastiche amusant du petit livre de Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, que mon ami Philippe avait traduit et dont il m'avait conseillé la lecture.

            Ici, on navigue en plaine fantaisie : on trouve de brefs récits, quelques poèmes, des essais légers, avec en arrière-plan le souci de trouver des formes nouvelles. Fabienne Radi est artiste et ça se voit. 

            Je vous propose un extrait des 9 pensées immobilières, texte qui m'a particulièrement étonné :

    1

    Je pleure dans les chaumières

    Tu sanglotes dans les manoirs

    Elle renifle dans les chalets

    Nous soupirons dans les grands ensembles

    Vous geignez dans les palaces

    Ils se lamentent dans les bungalows

    2

    Comme on fait son nid on se mouche

    4

    HLM : hachez-les menu

    6

    Dans le mot niche il y a chien

    7

    FAISONS DU FEU DANS LA CHEMINÉE !

    HABITONS CHEZ NOS PARENTS !

    CONSTRUISONS DES CHÂTEAUX EN ESPAGNE !

    CASSONS LA BARAQUE !

    BALAYONS DEVANT NOS PORTES !

    POSONS NOS CULS SUR LA COMMODE !

    SORTONS DU PLACARD !

    AYONS DU MONDE AU BALCON !

    8

    Avant-toit mais après vous

    ...



    

 



vendredi 21 février 2025

21 février 2025 : la chanson du mois, une ritournelle

 

 il faut vraiment lire pour connaître vraiment le monde parce que les gens qui écrivent partent toujours d’un détail qui cloche.

(Alba Donati, La librairie sur la colline, trad. Nathalie Bauer, Globe, 2022)

 

                Toute la journée, une ritournelle tournait dans ma tête. Quand j'étais moniteur de colo dans les années 60 dans la vallée d'Aspe, on la chantait beaucoup avec les enfants. Ils adoraient, aussi bien pendant les veillées du soir quotidiennes que pendant les balades en montagne et en forêt.

                J'ai retrouvée cette ritournelle circulaire (on revient au début et on recommence) sur internet. Chantons, que diable, au lieu d'avoir les oreilles bouchées par des écouteurs ! Et peut-être que, comme en lisant, le monde clochera un peu moins.


Je suis la Seine jusqu'à la morgue
Mais ne trouvant pas mon chemin
Je demande à un joueur d'orgue
S'il connaît la Chaussée d'Antin.

Arrêtant sa manivelle
Il me dit je connais l'endroit
Tu suis la Seine jusqu'à la morgue
Et après c'est toujours tout droit.
 

et on reprend ad libitum les deux strophes  

 Je suis la Seine jusqu'à la morgue
Mais ne trouvant pas mon chemin
Je demande à un joueur d'orgue
S'il connaît la Chaussée d'Antin.

Arrêtant sa manivelle
Il me dit je connais l'endroit
Tu suis la Seine jusqu'à la morgue
Et après c'est toujours tout droit.

...................................................................... 


A écouter, chanté par Pierre Imbert

(paroles un peu différentes)

https://www.google.com/search?client=firefox-b-e&q=youtube+arretant+sa+manivelle#fpstate=ive&vld=cid:30ed8dc9,vid:ZSoU_-iJ5NQ,st:0