lundi 22 avril 2024

22 avril 2024 : nouveaux vagabondages 2

 

Je pense avec acuité à ceux que j’aime depuis longtemps ou depuis peu de mois. L’agrandissement de la vie par les autres est capital.

(Jocelyne François, Car vous ne savez ni le jour, ni l’heure, Journal 2008-2018, Les Moments littéraires, 2022)



Après une journée chez moi, j’ai repris le 13 avril le bus vers Toulouse, qui allait lui aussi en Espagne, et plus précisément en Catalogne, jusqu’à Barcelone. Pas d’incident technique cette fois. Arrivé à l’heure.

                                                        Anne, Lenny et Marie-France

Mon beau-frère, Alain, et ma belle-sœur, Anne, sont venus me chercher à la gare routière. Nous avons mangé sans attendre mon neveu, Nicolas, qui arrivait de Saclay, où il a intégré l’École centrale. Après le repas, Anne et moi avons filé en voiture vers Blagnac où elle avait fixé rendez-vous a ma sœur Mari-France et son mari Helenio (Lenny) qui étaient venus à pied de Beauzelle. Promenade bucolique au parc des Quinze Sols, en bord de Garonne, agrémenté d’un lac pour pêcheurs où je leur ai lu un de mes contes. Il y avait la foule des familles qui venaient de pique-niquer et qui se baladaient avec insouciance. Forte chaleur, nous sommes restés au maximum à l’ombre d’arbres majestueux. J’ai repensé à mon ami et poète Michel Baglin (1950-2019), qui habitait non loin de là.
                                                                    le lac
Le dimanche, j’ai accompagné Anne au marché du quartier qui s’installe devant l’ancienne manufacture Job, qui fabriquait du papier à cigarettes. J’ai revu son fils Nicolas qui me semblait encore grandi (21 ans prochainement et 1,90 m). Et l’après-midi, départ pour Flourens où son frère Jean-François est en EHPAD depuis trois ans. Je ne l’avais pas vu depuis octobre dernier. Je savais qu’il s’était dégradé depuis lors, atteint d’Alzheimer. Il a été monté au 2ème étage, quartier fermé des Alzheimer. Je ne suis certain qu’il m’ait reconnu ; mais enfin, il parle encore. Il ne sort pratiquement plus de cet étage-là, d’autant plus que le journée était caniculaire.
On y est donc restés aussi, allant dans le grand salon nous installer à une table pour jouer au scrabble. Au bout d’un moment, il a fallu l’aider à trouver des mots, et j’étais triste pour cet ancien professeur de lettres. Puis nous sommes allés dans sa chambre et avons joué au jeu des 7 familles qu’Anne avait apporté, mais il n’a pas réussi à constituer une famille, il manquait de concentration, ne savait plus à qui il avait donné une carte. Le jeu était trop rapide pour lui.
J’étais portant content de l’avoir vu et entendu, mais le voir si diminué m’a attristé. Où est passé le Jean-François encore si actif et fringant d’avant le covid et le confinement ? Que devenons-nous ? J’ai pourtant l’habitude des EHPAD : j’y ai accompagné Georges Bonnet jusqu’à ses 101 ans ; j’y vois Huguette ici, 87 ans, toutes les semaines ; j’ai commencé il y a peu, dans un autre EHPAD, à faire la lecture à Madame Mimi, 102 ans et aveugle... J’ai tout autant l’habitude des personnages âgées qui restent chez elles, ainsi à Poitiers Jeanne, que j’ai encore vu peu de temps avant son décès à domicile en 2019, ou Odile, à qui j’ai rendu visite pour des longs week-ends toutes les trois semaines, jusqu’à sa mort en 2022.
Peut-être devrais-je plus souvent aller voir mon beau-frère ? Au contraire de beaucoup de personnes de mon âge, je n’ai pas peur des EHPAD, comme je n’ai pas eu peur de la prison à l’époque où j’y faisais également des lectures. Le collectif ne m’embarrasse pas, j’ai vécu en internat pendant des années dans le secondaire, ce que mon frère aîné a considéré comme une prison ! Ce qui m’angoisse, c’est surtout le lent affaiblissement de la personnalité de ceux qui sont en fin de vie ou atteints d’une affection grave. J’attends aussi la loi sur l’aide à mourir qu’on nous promet et qui pourrait aider ceux qui n’envisagent pas la déchéance physique ou le délabrement mental et souhaitent abréger leur vie avant qu’il soit trop tard.
Mais rassurez-vous, je parle volontiers de la mort, mais je n’ai jamais peut-être été davantage en vie, autant prêt à aider les autres, ami.e.s, hommes et femmes de ma famille, inconnu.e.s aussi, mais quand je jugerai le moment voulu...

 

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