samedi 9 avril 2022

9 avril 2022 : ah ! le smartphone 2 !


Ulysse […] n’est guère obsédé par cette ritournelle du XXIème siècle : « Le monde change ! Il faut l’accepter ! » Dans la pensée antique, on ne s’inflige pas ce pensum formulé par Hannah Arendt : « la dégradation obligatoire d’être de son temps ».

(Sylvain Tesson, Un été avec Homère, Éd. Des Équateurs, 2018)


J’avais une dent contre le smartphone, dont j’ai fait état le 31 janvier dernier. Et encore je n’avais pas vu le film Les meilleures, dans lequel la réalisatrice Marion Desseigne-Ravel montre les dégâts considérables que subissent des adolescentes de cités. 

Une cité de banlieue. C’est l’été, mais Nedjma et sa petite sœur Leila passent leurs vacances dans leur quartier, leur mère les élève seule et ne peut leur payer qu’un week-end à la mer. Nedjma et Leila font partie d'une bande de copines qui squatte un banc dans le square en bas de leurs immeubles. Et une nouvelle venue, Zina, veut leur prendre le banc, avec sa propre bande. Nedjma voit ses copines se sentir trahies, quand elles découvrent l'attirance réciproque qu'elle a avec Zina. Ces adolescentes d’origine maghrébine sont pendues à leurs smartphones, par le biais desquels la vie de Nedjma va devenir difficile : des photos de Zina, puis d’elles deux vont circuler et créer une haine et des querelles terribles, d’autant plus que l’homosexualité féminine est honnie. Avec les réseaux sociaux, en quelques clics, on fabrique une mauvaise réputation, on peut détruire une vie.

Nedjma, être sensible sous une apparence rude, fait les frais de cette situation. Heureusement, elle peut se réfugier sur le toit de l’immeuble HLM, et y abriter ses amours clandestines avec Zina. Elle n’accepte plus le déni de ce qu’elle est. Mais elle pense : « je suis amoureuse d’une fille, je ne sais pas quoi faire… »

Les deux jeunes filles qui jouent leurs rôles portent le film à bout de bras. Mais leurs partenaires représentent également très bien cette génération sacrifiée sur l’autel du smartphone tout-puissant et des préjugés qu’ils véhiculent. On voit directement les textos s’afficher sur l’écran. Il s’agit ici d’un récit d'apprentissage d’un nouveau type, où il faut assumer son attirance pour le même sexe, ce qui est très difficile dans cette communauté, les effets des réseaux sociaux sont dévastateurs. Le langage est rude, c’est celui de la jeunesse des banlieues et l’on y voit les filles aussi brutales que peuvent l’être des garçons. Le film est un coup de poing dans le pavé des bons sentiments, mais on en plaint la jeunesse actuelle.

Et bien sûr, de mon point de vue, ça m’encourage à pourfendre l’utilisation de cet instrument diabolique et à m’en passer. Et je suis d’autant plus désolé que je vois qu’il est mis entre les mains de préadolescents et même d’enfants bien plus jeunes. Bonjour les dégâts ! Malheureusement, en dépit de ses qualités, Les meilleures, film qui pourrait jouer un rôle de révélateur et de mise en garde, n'a aucun succès et a peu de chance de passer à la télévision à une heure de grande écoute...


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