mercredi 5 août 2020

5 août 2020 : trois adolescents, trois films


Beauté douce amère

Beauté éphémère des hommes

Que le temps donne et reprend

Et voleur, le temps s’envole

(Sénèque, Phèdre, trad. Florence Dupont, Actes sud, 2012)



En ce moment, Sylvain Tesson nous tresse "Un été avec Rimbaud" à la radio. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser en voyant ces trois films où des figures d’adolescent irradient. Des films solaires, des films d’été, des tragédies aussi, à l’instar du destin du poète, resté pour moi le poète incandescent de mes seize ans.



Seize ans, c’est peut-être l’âge d’Alex. Les vacances commencent. c’est l’été 85. Il ne sait pas trop ce qu’il va faire : continuer ses études comme le lui suggère son prof de lettres (Melvil Poupaud, méconnaissable), qui lui trouve un petit talent littéraire, ou entrer dans la vie active comme le souhaiterait son docker de père. Sa mère le laisse libre. Ce jour-là, son copain Chris indisponible lui prête son petit voilier. Alex, perdu dans sa musique, se laisse surprendre par l’orage. Peu familier du bateau, il chavire et se retrouve accroché au navire, au bord de la noyade, quand un autre voilier s’approche, dirigé par David, dix-huit ans, qui récupère le naufragé, l’emmène chez sa mère (il est orphelin depuis peu et a repris le travail de son père dans une boutique pour pêcheurs et marins) ; elle le prend en charge, le déshabille, le met dans un bain chaud et lui donne des vêtements usagés de David. David, plus déluré qu’Alex et très libre, trouve le garçon à son goût et le subjugue. le jeune homme tombe amoureux de David qui lui en impose, mais pour qui il n’est guère qu’une expérience de plus. Mais Alex dont c’est la première aventure amoureuse, se révèle possessif et jaloux, croyant au grand amour. Je n’en dis pas plus. Ce n’est pas le meilleur film d’Ozon, mais une belle et tragique histoire sur la force et les difficultés d’un premier amour. Les deux jeunes acteurs sont formidables.



Tout aussi solaire, film de plage également, Madre suit les traces d’Isabel qui a perdu son fils, disparu sur une plage de vacances où il s’était perdu, dix ans auparavant. Elle ne s’en remet pas. Elle a quitté l'Espagne pour s’installer sur la côte landaise là où les traces du gamin se sont perdues, et travaille dans un bistrot près de la plage. Elle pourrait refaire sa vie, est prête à être heureuse de nouveau, et à revenir vers son pays d’origine, l’Espagne. Son amoureux Joseba connaît ses blessures. Mais elle croise Jean, un adolescent de quinze-seize ans, mal dans sa peau et dans sa famille ; le gamin est fasciné par cette femme, avec qui il a plaisir à parler, à rester juste là, à côté l’un de l’autre, à la contempler. Il a l’âge qu’aurait son fils. Elle en est troublée. Et c’est le début de ce qu’on pourrait appeler une histoire d’amour, extrêmement pure à laquelle la société va s’opposer. Les parents de Jean d’abord, qui ne comprennent pas que leur petit Jean a grandi, mais l’amoureux d’Isabel aussi. Film sublime et délicat.



Mozambique 1917. Zacarias, 17 ans, fuyant des parents qui ne le comprennent pas, s'est engagé dans le corps expéditionnaire chargé de défendre la colonie portugaise du Mozambique contre les attaques de l'Afrique orientale allemande ; à peine arrivé, le paludisme le cloue et sa compagnie le laisse dans un hôpital de campagne. Mais il guérit et décide, seul (accompagné de deux "nègres"), de rejoindre son unité partie guerroyer vers le lac Nyassa. Commence alors une odyssée proche du parcours abyssin de Rimbaud. Perdu dans un milieu hostile, luttant contre le froid, la faim, la fièvre, la solitude, Zacarias n'est pourtant pas dans une aventure coloniale exotique. Le sujet du film, c'est le passage à l'âge d'homme, qui va se faire dans des circonstances difficiles. Au début, il est sensible à la propagande guerrière et raciste (envers les Africains) ou xénophobe (envers les Allemands). Mais petit à petit, son regard change, en particulier quand il devra partager la vie d’un village autochtone, peuplé uniquement de femmes et d'enfants avec qui il doit oublier ses préjugés racistes. Sa conscience s'ouvre sur le monde et quand il arrivera au lac, avec un déserteur allemand dont il est devenu l'ami, il comprendra l'iniquité de la guerre. Un très beau film.

Trois destins d'adolescents, au seuil de l'arrivée dans l'âge adulte, confrontés à l'impitoyable dureté de l'amour et de la vie.


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