vendredi 8 mai 2020

8 mai 2020 : le poème du mois, Jean-François Mathé


la seule manière saine et noble […] de considérer la mort consiste à la rencontrer et à l’éprouver comme une partie, comme un complément, comme une condition sacrée de la vie et non pas […] de l’en séparer en quelque sorte, de l’y opposer, ou même d’en faire un argument contre elle.
(Thomas Mann, La montagne magique, trad. Maurtice Betz, Club international du livre, s. d.)


Heureusement, par temps de confinement, il reste aussi la poésie vivifiante, qui nous change heureusement des infos en continu chargées de désespérance. Merci à la Maison de la poésie de Poitiers de nous avoir communiqué ce poème inédit.

Nous étions-nous croisés ? Il reste un brin de vent
qui gardant ton parfum semblerait le prouver.
L’amour ne fut donc qu’un passant, comme souvent.
Nous savons mieux le perdre que le retrouver.

Ton miroir n’encadre que de la buée, portrait
de toi sans toi, miroir que tu as regardé
pour t’en effacer et emporter tous tes traits,
toute ton âme. A rien ne sert de s’attarder,

quelqu’un devient personne, écrivons le mot « fin »
même s’il reste à un brin de vent ton parfum.

Inédit de Jean-François Mathé


et, d’un de ses derniers recueils (Prendre et perdre, 2018), publié comme presque toute son œuvre, chez Rougerie :


La maison, éteinte au départ des hôtes,
réveille les ombres dans les cloisons.
Alors la nuit vient finir la chanson
qu’on avait laissée sur la note haute.

La fête est plus lente et le vin plus sombre
quand d’autres danseurs morts depuis longtemps
viennent après nous, valsent un instant,
puis la chanson rend à l’ombre leurs ombres.

À nous qui dormons, ces danseurs murmurent
que nos habits n’ont qu’étoffe de temps,
puisque tels les leurs ils seront du vent
avec moins d’étoffe que de froidure.  

 

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