Jeudi dernier, je suis allé voir Le jardin des Finzi Contini, avec Jeanne, l’ancienne directrice de la Bibliothèque municipale de Poitiers. Elle avait lu autrefois le livre de Giorgio Bassani et en avait gardé un souvenir suffisamment vif pour voir ce que Vittorio De Sica, l’immortel réalisateur du Voleur de bicyclette, avait pu en tirer.
Nous sommes sortis ravis du cinéma. Le film, datant de 1970, un des derniers donc de l'illustre cinéaste, à une époque où la critique le boudait, est ressorti en copie neuve cette année, et était projeté en prélude aux Rencontres Henri Langlois, Festival international des écoles de cinéma de Poitiers. Outre la discrétion et les nuances avec lesquelles Vittorio De Sica aborde la question peu connue (en France) de la montée de l'antisémitisme dans l'Italie de 1938, la finesse de touche dans la présentation des personnages, la luninosité des couleurs, l'élégance du jeu des acteurs, j'ai été séduit par la place centrale qu'occupe la bicyclette dans le film. Et, accessoirement, du livre et des bibliothèques...
Sans doute sommes-nous avant-guerre au début du film, puis pendant la guerre ensuite. L’automobile n’a pas encore acquis la place centrale qu’elle a aujourd’hui dans nos cités. Mais le bonheur de voir toute cette jeunesse effectuer la plupart de ses déplacements à vélo, et accessoirement à pied ou en train ! Peut-on dire que la tragédie vient ici de l’usage de la voiture ? Puisque c’est effectivement en automobile que les policiers viennent arrêter les familles et les transférer en prison, avant peut-être de les envoyer vers les camps d’extermination…
Et c’est le moment de se souvenir que De Sica, inventeur avec Rossellini du néo-réalisme, souligne avec sensibilité que dans les périodes troubles, personne n’est à l’abri de la tragédie. Qu’il s’agisse ici de familles patriciennes ou bourgeoises, mais juives, ou dans le justement fameux Voleur de bicyclette, des chômeurs de l’après-guerre. Dans les deux cas, le drame naît avec la perte d’identité et d’estime de soi : comment peut-on encore être soi quand on devient des citoyens de seconde zone ou un laissé-pour-compte du travail ? Et la bicyclette, très présente, joue un rôle de lien social que ne peut pas remplacer l’automobile.
Et si le réalisme, aujourd’hui, était d’utiliser plus ordinairement le vélo ? Si oui, nous allons vers un nouveau néo-réalisme… Que j’appelle de tous mes vœux ! N'est-ce pas pourquoi, chaque fois que je le peux, je vais au cinéma... à bicyclette !
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