mardi 28 juin 2022

28 juin 2022 : Gaza, Gaza, Gaza...

 

la colonisation, je le répète, déshumanise l’homme, même le plus civilisé

(Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme,Présence africaine, 1955)


GAZA : L’HÉROÏSME DES PÊCHEURS QUI CONTINUENT

À ALIMENTER LA POPULATION

Il se passe rarement une journée sans que les 4000 pêcheurs de Gaza, qui nourrissent 50.000 familles, soient attaqués par la marine de guerre israélienne.

La semaine dernière, la marine militaire israélienne a tenté de noyer un pêcheur palestinien et sa barque dans les eaux de Gaza, en les inondant d’eaux d’égout ! Le pêcheur, Mohammad Adel Abu Rayala, s’est évanoui et a dû être transporté et traité à l’hôpital, tandis que son bateau est endommagé.

En moins d’un an, 22 bateaux de pêches palestiniens ont été confisqués par Israël et 71 pêcheurs ont été détenus. Israël a ouvert le feu 139 fois sur des pêcheurs, blessant 24 d’entre eux et abîmant 24 de leurs bateaux, rapporte le Centre al-Mezan pour les droits de l’Homme. Chaque semaine Israël met en prison 2 pêcheurs. Ils sont souvent relâchés en mer après leur arrestation et doivent rejoindre la côte, parfois à la nage quand leur bateau est confisqué.

« Les Israéliens confisquent notre matériel, nos bateaux, nos filets. Nous subissons des interrogatoires et quand ils nous relâchent nous devons revenir à la nage. Imaginez sur 400 mètres : nombreux sont ceux qui se noient. Ils sont passés maîtres dans les techniques de torture qui ne laissent aucune trace. »

Les assassinats et enlèvements des pêcheurs viennent s’ajouter à la longue liste de leurs souffrances. Israël interdit aux Palestiniens de pêcher dans leurs eaux territoriales et ils ne doivent pas s’éloigner à plus de 6 miles marins (10 km), parfois seulement 3 miles (là où l’on ne trouve plus de poisson depuis des années), malgré les accords d’Oslo qui prévoyaient une distance de 20 miles.

En fait, la zone de pêche autorisée par Israël n’a cessé de diminuer au fil des ans. De 20 miles en 1995, lors des accords d’Oslo, ce chiffre est descendu à 3 miles en 2011, avant de remonter à 6 miles, après l’attaque israélienne de novembre 2012.

« C’est une victoire de la résistance, mais elle est loin d’être respectée par Israël qui nous attaque fréquemment, même quand nous ne dépassons pas cette limite. Il faut savoir que les poissons ne sont présents qu’au-delà des 8 miles, là où commencent les roches sous-marines », indique Nizar Ayyash, président du syndicat des pêcheurs.

La pêche subit de ce fait une perte annuelle estimée à 40 millions de dollars US. Et la destruction des tunnels prive les pêcheurs de la fibre de verre nécessaire à la réparation des impacts de balles dans les coques de leurs bateaux et de pièces de rechange pour leurs bateaux.

« Nous sommes passés d’une production de 4000 tonnes à un millier de tonnes seulement. A Gaza, on ne trouve presque plus de poisson « bleu » (sardines, maquereaux), et encore moins les poissons de qualité supérieure tel que le mérou.

En outre, l’univers marin est fortement mis sous pression, car à force de pêcher aux mêmes endroits, les ressources de la mer n’ont pas le temps de se renouveler. Le prix du poisson est par conséquent phénoménal : les classes les plus défavorisées – donc une majorité de la population – ne peuvent consommer du poisson que 3 fois par an, et la malnutrition devient chronique », précise Nizar Ayyash. Ceci alors que 80% de la population souffre d’insécurité alimentaire, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Et tout cela pour quelle raison ?

« Parce qu’Israël veut nous transformer en mendiants », répond Nizar Ayyash. Parce qu’Israël, en l’absence de sanctions, pratique un génocide à petit feu de la population palestinienne. Nos gouvernements de droite comme de « gauche » y contribuent, sans parler de la collaboration sans faille de la dictature militaire égyptienne du maréchal Al-Sissi, dont les soldats ne sont pas les derniers à ouvrir le feu sur les embarcations gazaouies, à blesser et capturer des pêcheurs palestiniens. Des actes de torture ont également été constatés de leur part, des pêcheurs revenant avec des brûlures de cigarettes sur le corps, les yeux noirs, des plaies et des contusions.

Le syndicat des pêcheurs de Gaza demande que la communauté internationale intervienne et fasse respecter les Conventions de Genève, leur permettant de circuler librement dans leurs eaux. Il réclame également qu’Israël restitue aux pêcheurs les centaines de bateaux confisqués et les dédommage pour les bateaux, filets de pêche et l’ensemble du matériel endommagés.

Le film Yallah Gaza de Roland Nurier (auteur de Le char l’olivier, une autre histoire de la Palestine) en préparation en parlera !

Voir le teaser long :

https://vimeo.com/manage/videos/666782014 (Mot de passe : HRP69210)


J’ai envie de crier : Gaza, Gaza, Gaza, et je sens que je vais encore me faire des ennemis avec cette nouvelle page de blog, qui vient de l’Association France-Palestine-Solidarité (AFPS)

Sans commentaires ! Vous comprenez pourquoi j'apporte un soutien sans faille aux Palestiniens !


samedi 25 juin 2022

25 juin 2022 : un roman actuel


Nous sommes la succession de personnes étrangères les unes aux autres qui, probablement, n’auraient pas grand-chose à se dire si elles se croisaient.

(Fabrice Caro, Broadway, Gallimard, 2020)


Voici un roman qui aurait plu à Claire : suffisamment réaliste pour lui permettre de se comprendre elle-même, suffisamment idéaliste pour l’empêcher de déprimer, et plein d’un humour jaune (ou noir selon notre état d’esprit au moment de la lecture) pour aller jusqu’au bout. Très contemporain, riche d’enseignement pour les couples actuels, nous laissant nus devant la réalité et les épreuves à affronter (ou pas), car on peut aussi fermer les yeux devant les vicissitudes de la vie.


Dans Broadway, Fabrice Caro nous conte les soliloques d’Axel, marié à Anna, nanti de deux ados, Jade (18 ans) et Tristan (14 ans) ; ils habitent dans un lotissement, ils ont un travail, organisent tous les trois mois un apéro avec les voisins. Une vie normale, quoi, jusqu’au jour où Axel reçoit un courrier de la CPAM lui proposant un dépistage du cancer colo-rectal comme à tous ceux qui atteignent 50 ans. Mais voilà, il n’en a que 46, et cette lettre va déclencher un séisme dans sa vie. Voici que parallèlement, sa femme lui propose pour les prochaines vacances du paddle à Arcachon (il n’en a aucune envie : "Pourquoi ce besoin de partir en vacances ensemble? Dans quel but ? Qu’avons-nous à y gagner ?"), que sa fille a un énième chagrin d’amour (comment gérer ça?) et que son fils est accusé au collège d’avoir caricaturé deux professeurs dans une posture pornographique !

Il se rend compte qu’il est à la croisée des chemins Les enfants grandissent et prendront leur envol et il voit très bien "ce que nous pouvons très bien devenir, Anna et moi, une fois que Tristan et Jade seront partis de la maison. […] nous allons passer de quatre à trois, puis de trois à deux, et quel deux deviendrons-nous alors ? À nouveau un couple ? […] Des colocataires ?" Il ne leur restera plus qu’à montrer "des photos de nos enfants aux gens qui viendront prendre l’apéritif", et à les prendre "en otages parce que ce sera pour nous la seule occasion d’oraliser une profonde blessure".

Axel a "toujours détesté la plage, je n’ai que des souvenirs traumatisants liés à la plage, des sensations de bruit, d’odeurs, d’impudeur, de sable jusque dans les pores, de complexes physiques exacerbés par la quasi nudité, cette sensation étouffante que toute la plage ne regardait que moi". Donc pas envie d’aller à Arcachon ! Et, lors d’une rencontre avec la prof de son fils (qu’il tente d’excuser), il apprend qu’elle "parcourt le pays sac au dos, elle fait ça un mois tous les étés, chaque fois dans un pays différent, seule, pour se retrouver, se ressourcer, pousser chaque fois plus loin la recherche de son moi profond, s’éprouver face à la solitude". Et Axel retrouve son fameux "fantasme de la disparition. S’évaporer, sans préavis, sans laisser la moindre nouvelle, partir, prendre congé, démissionner de la vie, démissionner de la réalité".

Perdu entre le réalisme de la vie quotidienne ("C’est donc ça la réalité") et l’idéal de ce fantasme, que peut-il décider, que va-t-il décider ? Tout est-il "foireux par essence" ou y a-t-il une possibilité d’avoir une prise sur notre vie ? Ce court roman (que j’ai pourtant mis une semaine à lire, étant donné mon hyper-activité) m’a vivement intéressé sur la conduite d’une vie en général et sur la façon de vivre en famille dans le monde d'aujourd'hui, de moins en moins simple, me semble-t-il ? 

À noter aussi que Fabrice Caro écrit aussi sous le pseudo de Fabcaro des romans graphiques (ex-BD) à l’humour déjanté. Je remercie mes cousins de Paris de me l’avoir fait découvrir il y a deux semaines. 

 

 

vendredi 24 juin 2022

24 juin 2022 : Claire treize ans après

 

Andromaque : Les grands malheurs ont l’avantage / De vous libérer de la crainte (scène 7)

(Sénèque, Les Troyennes, trad. Florence Dupont, Actes sud, 2018)


Claire est morte ce jour, il y a treize ans ; pourtant elle est bien vivante dans mon esprit, au même titre que Mamie, ma grand-mère maternelle qui fut l’autre grande femme de ma vie. Peu de jours où je ne pense pas à elles. Je peux dire que Mamie m’a appris à vivre, et que Claire m’a appris à faire face à la maladie, à ne plus en avoir peur et surtout à ne pas craindre la mort. Toutes deux m’ont appris à ne pas redouter le vieillissement, c’est énorme, tant je vois autour de moi des personnes qui en ont peur, qui vivent dans l’inquiétude, voire la terreur du grand âge.

Me voici en marche vers cet âge-là, et je continue à voyager, le plus souvent pour voir ma famille et les nombreux amis que je me suis faits dans ma longue carrière professionnelle et aussi pendant certains de mes loisirs associatifs. J’ai l’impression qu’ils sont plutôt contents de me revoir, et je n’ai pas l’intention des les abandonner ! J’ai la chance aussi d’être libre de me déplacer, bien que n’ayant plus de voiture, la chance aussi d’avoir une santé relativement bonne, que ma longue pratique de l’exercice physique (randonnées à pied ou à vélo) a contribué à maintenir.

Et je peux faire comme Léone, la vieille dame de Montmorillon, qui parlait à son défunt mari. Moi aussi, je peux dire à Claire : "Tu vois, tu m’avais conseillé d’aller vivre en appartement, je l’ai fait, tu m’avais supplié d’aider les autres dans la mesure de mes moyens comme on le faisait ensemble, je l’ai fait, tu m’avais dit de ne pas abandonner mes vieux amis et de les choyer, je continue à le faire également, bref, tu continues à partager ma vie et à veiller sur moi et je t’en remercie !"


Voici donc ce petit poème où je fais le bilan de ma vie : enfance (strophe n°1), adolescence (strophe n°2), âge adulte (strophe n°3), vieillesse (strophe n°4), deuil (strophe n°5), survivance (strophe n°6).

 

                J’ai rencontré


un jour j’ai rencontré la tristesse qui se promenait le long du chemin

et m’a accompagné loin, très loin

j’ai cru qu’elle ne voudrait jamais me lâcher


le lendemain j’ai rencontré la joie le long du même chemin

elle m’a inondé le cœur et l’âme

et je me suis mis à chanter à tue-tête


un autre jour j’ai rencontré le bonheur qui m’a pris par la main

je n’en croyais ni mes yeux ni mes oreilles

pourtant je me suis mis à aimer


plus tard j’ai rencontré la maladie qui m’a enserré dans ses bras

j’ai dû me battre et me débattre

pour tenter d’adoucir mes larmes


et puis j’ai rencontré la mort qui m’a dérobé mon amour

elle a fauché fauché fauché

et sa moisson m’a laissé seul


mais pas si seul que ça, car ton amour m’a appris à lutter

à ne plus avoir peur de vivre

et j'ai appris à rencontrer les autres