dimanche 8 octobre 2023

8 octobre 2023 : la poudrière

 

L’outil répressif, mobilisé différemment selon la classe sociale à laquelle il est confronté, voit ses atrocités recouvertes par une hystérie médiatique déplaçant systématiquement les enjeux, aveuglant quiconque chercherait à s’y frayer un chemin et comprendre ce qui est en train d’arriver.

(Juan Branco, Abattre l’ennemi, M. Lafon, 2022)


Vous qui me lisez, vous m’avez souvent entendu parler de la Palestine. Je m’intéressais au problème dès mon adolescence, où j’étais devenu viscéralement anticolonialiste. Or, j’avais sous les yeux une colonisation de peuplement qui se mettait en place depuis 1948 avec l’assentiment de l’ONU, avec une férocité terrible dès le début : massacres divers, villages détruits, Palestiniens obligés de s’enfuir et de trouver refuge dans les pays voisins dans des camps devenant au fil des ans invivables. La guerre d’Algérie à peine finie, la guerre des six jours de 1967, le "septembre noir" de 1970 (à la suite duquel je laissais pousser ma barbe), où l’on voyait Israël se féliciter de voir les Jordaniens faire pour eux le ménage des camps palestiniens, en se débarrassant des fedayins qui trouvèrent refuge au Liban… Bref, je me tenais au courant.

Depuis, la situation n’a fait qu’empirer. Israël a établi son emprise sur toute la Palestine, a fait de la bande de Gaza une vaste prison à ciel ouvert en faisant de ses habitants des "enfermés", a fait de la Cisjordanie un vaste champ d’expérimentation coloniale, en détruisant les cultures palestiniennes, arrachant leurs oliviers, faisant exploser leurs maisons, emprisonnant de nombreux hommes, femmes, enfants et adolescents, mettant des barrières ("checkpoints") partout, construisant un mur de la honte qui n’a rien à envier aux divers "murs de la honte" qui s’érigent un peu partout dans le monde, et rendant difficile la vie aux autochtones, placés en situation d’apartheid, quand ils ne sont pas froidement assassinés (plus de 200 de janvier à septembre 2023) par les colons assistés par l’armée.

                                                               dessin de Karak

Et voici qu’aujourd’hui les Palestiniens de la bande de Gaza se révoltent, lancent des missiles et des roquettes, sortent du grillage qui les maintient dans cet immense camp de concentration… Et, oui, il y a des morts israéliens. Curieusement, alors que presque aucun média n’a signalé les exactions quotidiennes (maisons détruites, meurtres, personnes arrêtées, maltraitées et torturées par l’armée, harcèlement et terreur perpétuels, etc.) perpétrées par l’occupant, non-respect par Israël des résolutions de l’ONU, la moindre révolte des Palestiniens est qualifiée d’abjecte (Biden), et le monde entier ou presque s’empresse d’assurer l’état hébreu et son gouvernement de son soutien indéfectible (Macron par exemple, il est vrai que pour mater les gilets jaunes et autres manifestants, il a suivi les leçons israéliennes).

Autant dire que les politiques en général, les médias dans leur presque totalité (radio, télé, journaux) ferment toujours les yeux sur les exactions israéliennes (extorsion de terres, Palestiniens chassés de leurs maisons ou de leurs villages, privation de ressources en eau monopolisées par les colons, vols de maisons, malversations diverses, meurtres, emprisonnement, détentions administratives arbitraires...) et que par contre, leurs yeux s’ouvrent dès qu’un Palestinien se défend, et parfois, comme c’est le cas maintenant, attaque. Personnellement, je suis étonné que ça n’arrive qu’aujourd’hui. Comment un peuple sous occupation, opprimé, privé des droits les plus élémentaires, a-t-il pu tenir si longtemps ? Évidemment, s’attaquer à l’armée la plus forte de la région, est difficile. D’ailleurs la répression est aussitôt féroce : bombardements d’immeubles d’habitation, d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures… Les Palestiniens sont tout de suite qualifiés de "terroristes", alors que des soldats pénétrant nuitamment dans les maisons, en faisant sortir tous les habitants, puis détruisant ladite maison, ce n’est pas du terrorisme, menottant des enfants de douze ans, ce n’est pas du terrorisme, assistant au meurtre de paysans par des colons sans intervenir, ce n’est pas du terrorisme.

Je ne peux plus supporter ce "deux poids, deux mesures", et les informations déformées et biaisées qui sortent des postes et des rotatives me donnent envie de vomir. Quand à ceux qui condamnent ces "attaques qui s’en prennent directement à la population civile israélienne", que n’ont-ils pas condamné auparavant les "innombrables attaques" qui s’en prenaient directement à la population civile palestinienne ? On pourrait les croire sincères alors.

Je venais de voir et d’entendre, la veille, la conférence de Salah Hammouri, cet avocat franco-palestinien, qui, à quarante ans, a passé un grand nombre d’années en prison (cf son livre Prisonnier de Jérusalem paru chez Libertalia en 2023). Il a fini par être expulsé de Palestine avec interdiction d’y revenir. Quand on lit son livre, quand on l’écoute, on comprend que la vie des Palestiniens est un vrai parcours du combattant, et que justement, elle n’offre qu’une perspective : résister. Oui, résister, envers et contre tout… Je croyais entendre mes ancêtres huguenots résistant au XVIIIème siècle dans les galères ou dans la Tour de Constance.


 

 

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