samedi 17 décembre 2016

17 décembre 2016 : accueil et solidarité


« Comment tu nous trouves ? » demande-t-elle. […]
« Ben, on n’a pas l’air tout à fait normaux, » réponds-je.
« Je déteste tout ce qui est normal », dit-elle.
(Harald Rosenlaw Eeg, Grand frère, trad. Céline Romand-Monnier, Panama, 2006)


Le jeune Dag, 16 ans, ballotté de famille d’accueil en famille d’accueil, est placé dans une nouvelle famille, où il est cette fois extraordinairement bien accepté par des gens ouverts, et par leur jeune garçon, Gustav, 10 ans, qui le veut pour "grand frère". Mais Dag, avec son douloureux passé (il a causé un incendie dans sa précédente famille d’accueil) est reclus dans un refus buté. La "mère" d’accueil lui a offert une caméra vidéo ; le professeur de norvégien du collège lui propose de réaliser un reportage. Alors Dag filme tout, et en particulier une autre écorchée vive, Gloria. Peu à peu, Dag, bien que spécial, va dissiper le passé qui le hante, s’attacher à Gustav et à Gloria, et envisager de pouvoir construire sa vie.


 Ce roman norvégien pour ados narre les affres et les difficultés que doivent affronter les enfants au lourd passé et qui, plus que tous les autres, ont besoin d’amour. Surtout à la période de l’adolescence, où la fragilité psychique peut être grande et pousser à se replier sur soi. Dag ainsi parle très peu, il utilise la caméra avec abondance, mais c’est aussi une barrière qu’il interpose entre lui et les autres. Il filme sans cesse, même quand il est sur le vélo. Dag se raconte, c’est lui le narrateur, on ne voit les autres qu’à travers son prisme, et le lecteur a un travail de compréhension à assumer. Présent et retours en arrière se mêlent dans une écriture qu’on peut qualifier de cinématographique.
Pourquoi je parle de ce beau livre ? C’est que j’en ai marre de voir les gros titres de la presse s’en prendre sans arrêt aux prétendus "assistés" qui peuvent être tous ceux qui touchent des prestations sociales ou qui sont placés, comme Dag, dans des situations difficiles et qui ne bénéficient pas toujours, comme lui, de la compréhension d’un entourage intelligent qui les aide à se reconstruire. Que tous ceux qui traquent l’assistanat aillent vivre avec 4 à 600 euros par mois, et toutes les dépenses contraintes qui en bouffent la presque totalité : logement, chauffage, éclairage, téléphone, etc ! Ils feraient mieux de s’attaquer aux vrais assistés : ceux qui fraudent l’État en ne versant pas les cotisations sociales patronales (ça coûterait à la collectivité quelques 20 à 25 milliards d’euros), qui pratiquent avec allégresse notre beau sport national (et international), l’évasion fiscale, encore quelques 60 à 80 milliards d’euros qui ne rentrent pas dans les caisses de l’État. Alors que la fraude aux prestations sociales ne s’élève, d'après les rapports, qu’à 350 millions d’euros et qu’un grand nombre de personnes qui y ont droit ne les réclame pas (la moitié des personnes qui pourraient avoir recours au RSA ne le demande pas !).
Qu’on pointe donc du doigt les vrais fraudeurs : patrons et grandes fortunes qui font tout leur possible pour ne pas contribuer à l’impôt à la hauteur de leurs revenus. Et qu’on laisse la solidarité nationale s’organiser mieux. Ce n’est pas toujours la faute des chômeurs s’ils ne trouvent pas de travail : dans certains cas on les trouve trop jeunes et sans expérience, dans d’autres ils sont trop vieux, ou pas assez diplômés, sans compter qu’ils vivent souvent à l’écart des bassins d’emploi. Il leur faut donc une voiture (avec tous les frais que ça suppose : achat, entretien, assurances), on leur réclame d’avoir un smartphone pour être joignable en permanence : facile, tout ça, quand on vit avec les minima sociaux ! Mais où va-t-on ? Rappelons que les aides sociales sont des droits, pas des privilèges, comme le signale l’Observatoire des inégalités. D’ailleurs, les cadres et personnes bénéficiant de situations avantageuses le savent bien et bénéficient aussi de cette solidarité nationale : les a-t-on vus refuser les allocations familiales, par exemple ? Leurs enfants vont à l’université, dans les classes préparatoires et les écoles d’ingénieurs, plus que la moyenne, me semble-t-il. Et donc, bénéficient aussi de frais d'inscription solidaires.
Cessons de marquer au fer rouge les populations les plus affaiblies, et assumons le besoin de solidarité et d’accueil, ce besoin tellement indispensable pour que la vie en commun soit un peu plus harmonieuse. Et que les riches payent, nom de Dieu ! J’aimerais bien, pour ma part, payer un impôt sur le revenu à cinq ou six chiffres, ça prouverait que mes revenus seraient diantrement élevés ! Et ça ne me choquerait pas que les minimas sociaux sont fortement réévalués.

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