Ils
croyaient peut-être, comme bien des gens, que ce qu'ils voyaient à
la télé était plus important que les choses de la vraie vie.
(Jacques
Poulin, Les yeux bleus de Mistassini, Actes sud, 2011)
Le
temps que l'on met à se déplacer d'un point à un autre est souvent
un temps un peu ingrat, que l'on souhaiterait raccourcir au bénéfice
d'autres activités. D'où l'appétence pour des moyens de transport
de plus en plus rapides. Mais au fur et à mesure que les moyens de
transport rapides se développent, le monde se reconfigure en
fonction d'eux. Les lieux d'habitation, de travail, de loisir, où
l'on peut faire ses courses, s'éloignent les uns des autres, dans
des proportions telles qu'au bout du compte, nous passons plus de
temps à nous déplacer d'un lieu à un autre que nos ancêtres qui
allaient à pied ou en carriole. L'automobile, en se perfectionnant
et en se généralisant, ne fait pas qu'augmenter notre pouvoir
d'action, elle le diminue aussi, en ruinant la possibilité de vivre
en ne se confiant qu'à ses jambes. De plus, pour un grand nombre de
personnes, une bonne partie du temps de travail sert à gagner
l'argent qui permet d'acquérir et d'entretenir le véhicule
nécessaire pour aller travailler.
[...]
Il
y a un paradoxe qui donne à penser : depuis deux siècles, un
activisme inouï a été déployé pour transformer le monde et le
rendre plus conforme aux attentes de l'être humain. Et aujourd'hui,
c'est l'être humain qui est sans cesse sommé de s'adapter au monde
tel qu'il va.
Olivier
Rey : La perte de la mesure
(in La décroissance,
n° 114, novembre 2014, p. 3-4), extraits.
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