samedi 26 janvier 2008

26 janvier 2008 : Le papa de Poitiers



Après une semaine de grosses turbulences, le moral qui flanche et l'âme en peine, je me requinque peu à peu. Le toubib m'a trouvé de la tension, mais je crois surtout que les soucis de santé de Claire sont au premier plan : une opération semble en vue, qui nous serait proposée à l'hôpital Lariboisière, à Paris. Pourquoi pas ? On verra bien de quelle opération il s'agit, et à quelle date. En attendant, la souffrance continue. Quel en est le sens ?
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes.
(La Fontaine, La mort et le bûcheron)
Nous avons été élevés dans cette idée, Claire et moi : il n'était pas question de se plaindre. Le soi n'avait pas de place dans notre vie. C'est sans doute une erreur...
Nous avons vu à la télévision un remarquable documentaire, Le choix de Jean, qui, comme toutes les bonnes émissions, est passé à une heure impossible. Le personnage, Jean, atteint de tumeurs cérébrales incurables, décide de choisir le moment de son passage vers l'au-delà, afin de le faire en toute lucidité et de ne pas être victime d'acharnement thérapeutique. Ce qui peut se faire en Suisse (ça se passe à Fribourg, il y a un délicieux accent jurassien) avec l'aide d'une association : l'assistance au suicide est dépénalisée, et faite sous contrôle médical. On assiste aux deux derniers mois de Jean et de son entourage, chronique somme toute alerte, car Jean aime la vie et n'est guère diminué. Mais justement, il veut en finir avant d'être devenu dépendant ou inconscient. Ses derniers mots : "J'aurais jamais cru que c'était aussi bien." Une leçon de dignité, de chaleur humaine (son amour pour sa compagne), de liberté et de courage.
Etrangement, ça m'a requinqué : voir quelqu'un affronter le trépas avec cette vaillance, ça vous retourne. J'imagine que ça peut faire l'effet inverse.
Nous avions Lucile à la maison cette semaine. Comme toujours, elle est merveilleuse ; on ne l'embête pas trop, elle sort, se lève à ses heures (tardives), voit copains et copines. Mais quoi ? Elle étudie bien, et a le droit de se reposer entre deux semestres ! D'ailleurs, on a profité d'elle pour faire connaître la vie nocturne de Poitiers à nos jeunes Colombiens, de nouveau ici pour deux nuits et deux jours. Alexander et David sont charmants. Le premier, 25 ans, est gentiment désuet, on le croirait sorti d'un film mexicain de Bunuel. Le second, 19 ans, est primesautier. Ils ont fait de gros progrès en français, nous essayons de leur faire connaître un peu de l'hospitalité traditionnelle à la française : et voilà qu'au moment de leur départ, j'apprends qu'ils me surnomment le papa de Poitiers !


David, Lucile et Alexander à la maison le samedi 26 janvier

Inutile de dire que ça me fait très plaisir ; j'en suis même fier. Y a-t-il quelque chose de mieux pour me requinquer ? Au moins, on voit qu'on sert à quelque chose !
Ce matin, je suis enfin allé avec l'ami Gilles à la fameuse piscine de Buxerolles ; je cite leur publicité : Le centre aquatique de la Pépinière dispose de bassins avec une eau de 28 à 32°, dans une ambiance ludique et tropicale [...] un toboggan de 76m, une boule à vagues dans un bassin circulaire (profondeur : 1,10m), un bassin de 25m (profondeur de 1,10m à 2m), une rivière à courant avec cascades, canons à eau et bains hydromassants, un spa.

Je me suis bien amusé, et j'ai même deux fois descendu le toboggan, alors que je pensais en avoir une peur terrible. Comme quoi je peux encore faire l'enfant ! Ou redevenir comme un petit enfant, ce qui me rappelle les paroles de Jésus : En vérité, je vous le dis, si vous ne recommencez à devenir comme les petits-enfants, vous ne sauriez entrer dans le Royaume des cieux (Evangile selon Mathieu, 18,3). Eh oui, c'est ma naïveté à moi, je voudrais bien entrer dans ce royaume !
Après César et Rosalie la semaine d'avant, revu aussi à la télé Jules et Jim (prononcez Djim), le film de Truffaut. Le trio amoureux est ici bien plus amoral que dans le film de Sautet. Et je crois avoir découvert pourquoi ce film me plaît tant, malgré une voix off un peu trop lourdingue : les héros y font de la bicyclette, mais oui !

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