mardi 13 juillet 2021

13 juillet 2021 : cobayes

 

Nous ne sommes plus maîtres de nos vies. Nous sommes prêts à tout accepter, tout le temps. Nous ne devrions pas admettre cela. Nous ne devrions pas avoir peur de gens qui sont censés nous protéger. Bon, voyons quand même le côté sympathique : braver un peu les interdits – on ne risque quand même pas grand-chose – a un côté agréable.

(La décroissance, avrll 2021, n°178, Sous la dictature sanitaire)



Quand j’ai été opéré de l’estomac, en décembre 1968,je n’ai pas mangé pendant trois semaines. Au bout de quelques jours, je ne faisais que rêver de nourriture, le fameux gâteau fait avec la crème de lait additionnée de farine et de sucre qui avait enchanté mon enfance, le chou farci maison de ma grand-mère que j’adorais, les cerises qu’on cueillait directement sur l’arbre dans lequel on montait, etc... Puis on a commencé à me nourrir, mais ça m’a pas marché, la cicatrisation à la sortie de l’estomac avait fait un œdème et empêchait le passage dans l’intestin. De nouveau trois semaines sans manger ! De nouveau mes rêves de nourriture ! Heureusement, je pouvais lire ; je me souviens en particulier de deux romans exceptionnels lus sur mon lit d’hôpital : L’œuvre au noir (Yourcenar) et Le hussard sur le toit (Giono), et qui m’ont permis d’oublier la faim. Comme quoi les nourritures spirituelles ont du poids...

Et voici maintenant que je rêve que d’embrassades, de main sur l'épaule, de serrements de main, voire de caresses : je suis affamé de contact réel. Quand je pense que ça fait un an et demi que je n’ai pas embrassé mes enfants ni ma famille (seul un neveu, moins bête que les autres, ou plus courageux, d’aucuns le traiteront d’inconscient, me fait la bise : qu’est-ce que ça m’a fait plaisir !). Et ne parlons pas des amis ou des connaissances à qui je ne serre plus la main, je ne mets plus la main sur l’épaule, que je ne peux plus réconforter parfois, car la parole ne suffit pas toujours, et qui m’ont parfois tenu à distance pas la mascarade du masque qui empêche de respirer. Pareillement peu m’ont fait la bise ou serré la main… Mais je remercie très fort ceux et celles qui l'ont fait !                                                        

        dessin de Karak d'après Hergé (http://karak.over-blog.com/)


J’ai été vacciné. Je croyais que ça servait à quelque chose. Oui, à enrichir les actionnaires de Big Pharma. Paraît que ça n’empêche pas d’attraper la maladie, ni de contaminer les autres et qu’il faudra peut-être une troisième dose ; et qu'il nous faut maintenir les gestes barrière : comme s'il n'y avait pas tant de barrières déjà, barrières de langue, de classe sociale, de niveau d'étude, d'injustice salariale, de différence physique et mentale, etc. Faut qu'on en rajoute. Comprenne qui pourra ! Et voici que désormais il va falloir, en plus de la mascarade, montrer patte blanche pour aller au restaurant (je n’irai plus, comme si les restaurateurs étaient payés pour contrôler), au théâtre ou au spectacle (je n’irai plus). J’ai mon certificat de vaccination, mais je n’ai pas encore réussi à avoir le pass sanitaire européen, et ce n’est pas faute d’avoir perdu mon temps sur internet à sa recherche. Faudra que je le demande à mon médecin, comme s’il n’avait que ça à faire !

Bref, la pandémie a bon dos pour réduire de plus en plus nos libertés, nos souhaits de contacts et d’accueil, et nous mettre encore plus sous la dépendance des écrans, des "scientifiques" (?) et des oligarques. Je me souviens de cette phrase lue : "je ne savais pas que le bonheur, contrairement à la joie qui nous est donnée par l’être dans lequel nous baignons, vient toujours de l’image bienveillante de nous-mêmes dans le regard des autres, de l’existence qu’ils nous confèrent, ne serait-ce qu’en prononçant notre nom, qu’en nous accueillant comme si nous étions l’étranger qu’ils attendaient pour recommencer à vivre, le joueur qu’il leur manquait pour commencer la partie" (Yvon Rivard, Le dernier chalet, Leméac, 2018).

Que le règne du bonheur revienne !

 

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