lundi 10 novembre 2025

10 novembre 2025 : Lettre d'un Palestinien en exil

Si donc on appelle barbare le fait de tuer des gens pour rien, les Occidentaux sont barbares tous les jours, il faut le savoir. Simplement, dans le premier cas de barbarie, la barbarie des barbares, nous avons un meurtre de masse assumé et et suicidaire. Dans le cas de la barbarie des civilisés, c’est un meurtre de masse technologique, dissimulé et satisfait.

(Alain Badiou, Notre mal vient de plus loin : penser les tueries du 13 novembre, Fayard, 2018)

 

                    Au moment où les exactions de l'armée israélienne ne cessent de continuer sur Gaza (en dépit d'un prétendu cessez-le-feu), et celles des colons appuyés par les militaires sont de plus en plus fréquentes : empêchement ou vol des récoltes d'olives, vol de bétail, arrachage d'oliviers, voitures incendiées et maisons détruites, enfants et adolescents arrêtés, meurtres, etc..., je crois bon de vous livrer ce texte publié par Alain Graux sur son site.


Lettre d’un palestinien en exil, à l’humanité qui n’a pas abdiqué.

Mohamed Youssef

        Je vous écris depuis mon exil entre la nostalgie et la honte d’un monde qui regarde ailleurs. Je n’ai plus de maison, plus de terre, plus de mer, mais j’ai encore ma langue, mes souvenirs et cette rage polie qu’on appelle dignité. Je vous écris à vous, ceux qui avez refusé de détourner les yeux, ceux qui ont donné de leur temps, de leur voix, de leur cœur pendant que les puissants donnaient des armes. Vous avez été l’honneur de l’humanité, celle qui ne se vend pas sur les plateaux télé ni dans les conseils de sécurité. Pendant que les diplomates calculaient les équilibres géopolitiques, vous comptiez les mort·e·s, pendant que des influenceurs prêchaient la paix avec des filtres dorés, vous, vous pleuriez sincèrement des inconnu·e·s, et rien que pour ça, merci ! 

        De mon exil, je regarde ce monde où la compassion s’use plus vite qu’une batterie de smartphone et pourtant vous êtes encore là, têtus, indécrottables, magnifiques. Vous manifestez sous la pluie, vous boycottez entre deux factures, vous répondez aux trolls avec des faits, ce qui de nos jours relève de l’héroïsme. Ne croyez pas que c’est inutile. Chaque mot que vous écrivez, chaque pancarte que vous tenez, chaque silence que vous refusez c’est un caillou dans la chaussure de l’injustice. Et je vous assure, à force de cailloux, même l’oppresseur finit par boiter. 

        Le combat est long, oui, mais il dépasse la Palestine. Il parle de ce système planétaire qui écrase les faibles, repeint ses crimes en stratégie, et appelle ça ordre international. Nous sommes devenu·e·s le miroir du monde. Ce qui se passe ici n’est pas un conflit. C’est un test. Un test pour savoir combien de temps l’humanité peut regarder l’horreur sans devenir complice. Alors tenez bon ! Continuez à déranger, à douter, à aimer à contre-courant, ne laissez pas la normalité anesthésier vos consciences ! Parce qu’à la fin, ce combat n’est pas entre Palestiniens et Israéliens mais entre ce qu’il reste d’humain en nous et ce que la puissance aveugle veut nous faire devenir. 

        Le jour où la Palestine sera libre et elle le sera ne serait-ce que par entêtement, on vous accueillera à bras ouverts. On fera une fête que même les étoiles viendront regarder. On dansera, on rira et on racontera aux enfants qu’au milieu du désastre, des gens, quelque part, ont refusé d’être indifférent·e·s. Et ce jour-là, peut-être, on cessera de vous appeler « les soutiens de la Palestine », pour vous appeler tout simplement, les survivant·e·s de l’humanité. Avec tendresse, ironie et poussière dans la gorge, un palestinien en exil, toujours debout.


 

 

dimanche 9 novembre 2025

9 novembre 2025 : poème du mois

 

Le silence n’est pas une fin de non-recevoir ni une rupture. Il est même le test absolu, en amitié comme en amour. L’être avec qui on peut se taire en harmonie, c’est l’élu.

(Amélie Nothomb, Psychopompe, Albin Michel, 2023)

 

                    J'avais envie de publier le poème du mois, que j'ai trouvé dans le recueil de Pierre Rogissart, La porte de Brandebourg (L'atelier imaginaire, Le dé bleu, 1998, Prix spécial du Jury Max-Pol Fouchet). C'est un des livres de poèmes que je possède depuis longtemps, et que je viens de lire seulement ce mois-ci. Voici donc un poème non titré et qui m'a beaucoup plu. Je ne sais pourquoi il a pénétré mon âme.

 

                                                           Ce qu'on ne peut savoir

                  ressemble à ce soleil sibérien

                                                            et ces fleuves si grands

                  où poser nos filets dans le distance

                  et dans le dernière ruine

                        Incompréhensibles

                                                    ces nausées

                aux ascensions de basalte !

                Ma main au creux de l'averse

                nos chemins d'étincelles pour nos viols d'équarrisseurs

                       Je me suis baissé pour d"poser une pierre

                                                    et je suis peut-être né. 


     




 

vendredi 7 novembre 2025

7 novembre 2025 : Festival Cinémed 2025, un bon cru.

 

9 mai 1922 : Il me semble que ma solitude n’est ni plus grande ni plus profonde que celle d’autrui. Chacun de nous est solitaire et réduit à soi-même. Chacun de nous est une énigme. Chacun de nous se dissimule sous mille voiles et quelle différence y a-t-il entre une personne solitaire et une autre, excepté que l’une exprime sa solitude et que l’autre la garde secrète ?

(Khalil Gibran, Lettres d’amour, trad. Claude Came et Anne Durouet, Librairie de Médicis, 1996)

 

                    Eh bien, me voici de retour de ma longue vadrouille en solo qui m'a mené d'abord à Lamalou-les-Bains (pour voir ma sœur Monique et son mari), puis à Montpellier (pour le Festival de cinéma Cinémed et pour l'exposition de Jean-Pierre Allano), et enfin à Nice (pour revoir mon ami de jeunesse Alain, pas vu depuis 2023). Le tout en train. Voyage tranquille, où j'ai pu éprouver la solidité de la qualité de ma solitude, autant que les contacts que j'ai pu lier. Je continuerai donc mes vadrouilles autant que mon état de santé le permet. D'ailleurs, rien que pour aller vois mes enfants et leur famille, ma fille en Angleterre, et mon fils presqu'en Suisse, ça m'oblige à de longs déplacements. Et je ne vais pas cesser d'aller voir le reste de ma famille et de ma belle-famille, et tous mes amis, disséminés à travers la France.

               Aujourd'hui, je vais simplement évoquer le Cinémed. J’ai envie de dire que ce fut un grand cru : presque tous les films que j’ai vus étaient de bons, voire d’excellents films. Un certain nombre d’entre eux vont sortir dans les mois qui viennent et j’aurai peut-être envie de les revoir et d’y entraîner des amis à ma suite. Les films en compétition, les films en avant-premières, les documentaires, les films d’animation, les courts métrages se côtoyaient, auxquels s’ajoutaient les rétrospectives : Dino Risi, Raymond Depardon, Fernando León de Aranoa, dont j’ai vu (ou revu avec plaisir) respectivement quatre, un et deux films.

                    Il se trouve que Les dimanches de  Alauda Ruiz de Azua, a obtenu l'Antilope d'or, la plus haute récompense. C'est un très beau film sur une famille espagnole dont la fille prend la décision de se faire bonne sœur ! Thème donc très inhabituel, surtout à notre époque de déchristianisation voire d'anti-religion massive. Autre film de consonance espagnole mais réalisé par la Marocaine Maryam Touzani, Rue Malaga se passe à Tanger dans la communauté hispanique de cette ville. Une vieille Espagnole (géniale Carmen Maura) née à Tanger mène une retraite paisible quand sa fille débarque en annonçant qu'elle va vendre l'appartement où la mère a toujours vécu.

                    Le film italien Gioia mia, de Margherita Spampinato : narre un été passé entre un jeune garçon et sa grand-mère. Encore un film de famille, Cette magnifique leçon de vie mêle tradition et modernité, Jeunesse et vieillesse, Lenteur et vitesse. Lent apprivoisement de l'un à l'autre, Ce fut ma découverte préférée. Mais le cinéma italien explorait déjà ce thème dans les années 60, J'ai vu aussi un film rarissime de Dino Risi Le jeudi, Il raconte la rencontre entre un père (Walther Chiari) esseulé. Sa femme l'a quitté à cause de ses fanfaronnades et mensonges imbéciles. Il n'a pas vu son fils depuis cinq ans. On le lui confie pour une journée seulement. Comédie un peu amère.

                    J'ai vu beaucoup d'autres films, mais j'en parlerai à l'occasion de leur sortie en France, s'ils sortent.