lundi 27 mai 2019

27 mai 2019 : Vous avez dit "intelligent" ?



Petite précision sur l’emploi du terme « intelligent » : il fut un temps, pas si lointain, où cet adjectif qualifiait surtout des êtres vivants, des humains par exemple. Aujourd’hui, ne sont intelligents que des objets, des applications, des compteurs, voire des villes.
(Nicolas Bérard, L’âge de faire, N° 141, mai 2019)

C’est toujours terrible de rentrer, après quinze jours presque autant hors du temps que si j’étais parti sur un cargo vers de lointains horizons ! Il faut dire que la Côte d’Opale et la Côte picarde sont loin d’être des destinations très courues en cette période. Nous étions presque seuls, l’ami C. (choletais devenu bisontin) et moi (redevenu bordelais après 43 ans d’éclipse), à nous balader longuement sur les longues plages de Berck, de Fort-Mahon, de Quend-plage ou du Crotoy, de la Baie d’Authie (où nous aperçûmes de nombreux phoques) à la Baie de Somme, avec ces marées extraordinaires qui dégagent la plage sur des centaines de mètres, ce ciel souvent bleu ou voilé, ce vent qui nous a fortement hâlés.

 échouage sur la plage 
à marée basse, l'écume triomphante

C’était aussi un retour aux sources pour moi, puisque de 1984 à 1985, j’ai travaillé à Amiens, et donc cette côte picarde était une destination assez fréquente dès les beaux dimanches de mai, avec nos deux enfants encore petits. Si le temps était relativement frais (pour moi le sudiste, par pour C. habitué à des rigueurs hivernales dans le Doubs), c’était finalement mieux pour les belles balades sur le sable, dans les dunes, sous les pinèdes ou près des marais. 

chemin picard










le phoque qui me fait les yeux doux
 


 
De temps en temps nous croisions quelques péquins avec leur chien (souvent des shih tzu selon C.) et, dans les petites agglomérations, d’improbables couples, un camelot vendeur de chaussettes et dévidant son boniment assorti d’une blague vaseuse (au marché de Berck), les jeunes employé.es de l’office de tourisme de Quend-Plage (qui fait cybercafé), les coureurs au départ d’une étape cycliste des Quatre jours de Dunkerque (qui durent six jours, cherchez l’erreur !), la caissière loquace du cinéma associatif local (quatre films par semaine, prix imbattable) qui vit toute l’année dans la station balnéaire réduite à 70 habitants l’hiver sans aucun commerce, sauf le cinéma qui draine la population des communes environnantes, la boulangère qui ressemblait à Catherine Frot jeune, une boite à livres où j’ai dégoté une perle du roman populaire de 1890, Le crime d’une sainte, de Pierre Decourcelle, mélange de mélo et de roman policier, que j’ai dégusté avec plaisir…

4 jours de Dunkerque : départ à Fort Mahon



le calvaire géant près de la plage de Berck

Bref, on a baguenaudé… 

Francis Tattegrain : portrait d'un vieillard de l'asile de Berck 
(Musée de Berck)
 
à Berck, villa au décor gothique (?)
On a peu roulé. Car j’avais loué une voiture Toyota hybride à boîte automatique, avec démarreur intelligent. Tellement intelligent qu’après notre premier arrêt, impossible de repartir. Obligé de téléphoner à l’agence de location, je m’entends dire qu’il n’y a pas plus simple. Dix minutes au téléphone quand même avant de réussir à redémarrer (ils s’apprêtaient à nous envoyer un de leurs sbires pour nous expliquer comment faire !). De plus, le GPS était si compliqué à utiliser (pour nous qui étions novices en la matière) que nous n’avons pas réussi à trouver le clavier digital qui nous aurait permis de taper notre destination (heureusement que j'avais emporté mon atlas routier). Par ailleurs, nous avons roulé sans avertisseur sonore, ce dernier étant introuvable sur le tableau de bord (et non indiqué sur le livret-notice technique du véhicule). Ah ! Elles sont chouettes, les voitures actuelles, connectées (?), intelligentes (?)… Fort heureusement, nous avons rendu la nôtre sans une égratignure !

la terrasse de la maison de Catherine, où nous mangions le midi

Beaucoup de discussions avec C. sur les bibliothèques et leur devenir. La dernière lubie actuelle étant d’affecter un budget pour des achats de jeux vidéos à mettre à disposition des usagers, ceci afin d’attirer les jeunes générations. Bien sûr, j’ai lu récemment que "la génération qui arrive aujourd’hui aux postes d’enseignants et de chercheurs a été biberonnée aux jeux vidéo et aux séries télé. Tout cela lui est familier et lui semble donc légitime". Est-ce une raison pour oublier la raison d’être d’un établissement culturel ? Conforter nos jeunes sur une addiction décérébrante, est-ce encore notre rôle ? Quand je dis qu’il est temps que je quitte ce monde !

dans la pinède
Je finirai en citant ce qu’écrivait Pier Paolo Pasolini dans ses Écrits corsaires (Flammarion, 1976) : "[La société de consommation] a touché [les jeunes] dans ce qu’ils ont d’intime, elle leur a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels. Il ne s’agit plus, comme à l’époque mussolinienne, d’un enrégimentement superficiel, scénographique, mais d’un enrégimentement réel, qui a volé et changé leur âme".

sculpture devant l'Office de tourisme de Quend-Plage

1 commentaire:

Gilles a dit…

RRRooh Jean-Pierre !!! Tu parles comme un vieux bibliothécaire des années 1950 critiquant l'arrivée des bandes dessinées dans les bibliothèques. N'étant moi meme pas de la génération des bandes dessinées, je trouve tout à fait bien qu'ils fassent leur entrée dans les médiathèques de lecture publique, à côté des mangas, des logiciels d'apprentissage, des jeux de sociétés, des DVD, des partitions de musique, des livres, des tablettes...